|
Le
Commerce équitable chez l'Oncle Sam...
C’est à Oakland, en face de San Francisco, que
Paul Rice, fondateur du premier label de commerce équitable
aux Etats-Unis nous a reçu pour nous expliquer son
activité et nous raconter son parcours.
Tout a commencé pour lui en 1983, date à laquelle,
après des études en sciences économiques
appliquées à l’agriculture il part travailler
en coopération au Nicaragua. Paul tombe littéralement
amoureux du pays. Il va y passer 11 années, à
travailler avec les petits producteurs de café et devient
le patron de la première coopérative du pays
exclusivement consacrée à l’export. Cet
engagement lui laisse juste assez de temps pour rencontrer
sa femme, une nicaraguayenne (évidemment !) avec qui
il aura deux enfants. Sa vie là-bas lui fait prendre
conscience des vraies raisons du retard de développement
du pays. Il dénonce trois faiblesses, le manque d’accès
au capital, l’absence de formation, et donc de savoir-faire,
et l’absence de marché porteur. Selon lui le
problème d’accès au capital est assez
bien résolu par l’action des banques de micro-crédit
(voir le portrait de Muhammad Yunus)
mais n’aborde qu’un aspect du développement
économique, la production. Il est persuadé que
ce dont les producteurs ont le plus besoin, ce n’est
pas de produire mais de vendre. Ce marché, il s’est
mis en tête de le créer.
De retour aux Etats-Unis, il se forme en intégrant
un MBA à Berkeley. Il passe une grande partie de son
temps à étudier les labels déjà
existants en Europe (depuis presque 10 ans) et observe que
des produits issus du commerce équitable sont déjà
vendus en Amérique du Nord, mais bien trop confidentiellement
à son goût…
En 1998, il se lance et crée le label, « Transfair
», équivalent de Max Havelaar en Europe (voir
les portraits de Victor Ferreira
et de Tristan Lecomte). Son objectif
est simple, il veut faire connaître ce nouveau mode
de consommation citoyenne pour développer son marché.
Le principe, bien connu aujourd’hui en France, est toujours
le même. A condition de respecter un prix d’achat
des matières premières « décent
», des primes au développement et un mode de
production respectueux de l’environnement, un produit
peut apposer sur son packaging le logo du label pour prouver
au consommateur que son achat est utile.
Comme en Europe, le premier produit à être labellisé
est le café, mais les débuts sont très
difficiles, les industriels et les distributeurs nord-américains
n’étant pas vraiment habitués à
ce type de pratique… « J’aime par-dessus
tout prouver aux gens qui me disent non qu’ils ont tort
» Cet état d’esprit est sans doute le principal
atout de Paul, qui va passer deux années à parcourir
le pays pour convaincre les fondations de financer son projet.
Les premiers produits labellisés apparaissent et se
vendent bien grâce à un marketing intelligent.
« On ne convainc personne d’acheter un café
régulièrement parce qu’il est «
équitable », un café est acheté
parce qu’il est bon. ». Ce credo est à
la base de son approche et il tente de démontrer que
l’argent supplémentaire que reçoivent
les producteurs et qu’ils dépensent pour soigner
ou éduquer leurs enfants est le meilleur investissement
possible pour obtenir de la qualité.
Aujourd’hui, la révolution est en marche, le
café « équitable » labellisé
Transfair se retrouve partout. Il représente déjà
40% (en valeur) des ventes de café haut de gamme du
pays et sur l’ensemble du café vendu, sa part
de marché flirte avec les 1%. Des cafés labellisés
Transfair ont fait leur apparition chez Starbucks et Procter
& Gamble, un des premiers acheteurs de café au
monde, est sur les rangs pour labelliser une de ses marques.
L’équipe de Transfair, dorénavant composée
de 32 passionnés n’a qu’un objectif en
tête, vendre le plus possible ! Et Paul Rice n’hésite
pas à évoquer son ambition d’être
présent chez WalMart, le géant de la distribution.
Les puristes seront sans doute choqués par le «
mélange de genres », les producteurs qui voient
leurs enfants aller à l’école pour la
première fois s’en moquent éperdument.
Après le café, Paul Rice a l’intention
de lancer des labels sur d’autres produits comme la
banane ou le thé. « Mon rêve ultime est
de rendre possible un mode de vie responsable, alternatif
et équitable ». Là-dessus, nous avons
du mal à croire Paul car à la sortie de cet
entretien, nous sommes persuadés que son vrai rêve
est de retourner vivre au Nicaragua…
|