Paul
Rice - Oakland (Etats-Unis) - 3 Février 2004
Le Commerce Equitable
chez l'Oncle Sam...
C’est
à Oakland, en face de San Francisco, que Paul Rice, fondateur du premier
label de commerce équitable aux Etats-Unis nous a reçu pour
nous expliquer son activité et nous raconter son parcours.
Tout a commencé pour lui en 1983, date à laquelle, après
des études en sciences économiques appliquées à
l’agriculture il part travailler en coopération au Nicaragua.
Paul tombe littéralement amoureux du pays. Il va y passer 11 années,
à travailler avec les petits producteurs de café et devient
le patron de la première coopérative du pays exclusivement consacrée
à l’export. Cet engagement lui laisse juste assez de temps pour
rencontrer sa femme, une nicaraguayenne (évidemment !) avec qui il
aura deux enfants. Sa vie là-bas lui fait prendre conscience des vraies
raisons du retard de développement du pays. Il dénonce trois
faiblesses, le manque d’accès au capital, l’absence de
formation, et donc de savoir-faire, et l’absence de marché porteur.
Selon lui le problème d’accès au capital est assez bien
résolu par l’action des banques de micro-crédit (voir
le portrait de Muhammad Yunus) mais n’aborde qu’un aspect du développement
économique, la production. Il est persuadé que ce dont les producteurs
ont le plus besoin, ce n’est pas de produire mais de vendre. Ce marché,
il s’est mis en tête de le créer.
De retour aux Etats-Unis, il se forme en intégrant un MBA à
Berkeley. Il passe une grande partie de son temps à étudier
les labels déjà existants en Europe (depuis presque 10 ans)
et observe que des produits issus du commerce équitable sont déjà
vendus en Amérique du Nord, mais bien trop confidentiellement à
son goût…
En 1998, il se lance et crée le label, « Transfair », équivalent
de Max Havelaar en Europe (voir les portraits de Victor Ferreira et de Tristan
Lecomte). Son objectif est simple, il veut faire connaître ce nouveau
mode de consommation citoyenne pour développer son marché. Le
principe, bien connu aujourd’hui en France, est toujours le même.
A condition de respecter un prix d’achat des matières premières
« décent », des primes au développement et un mode
de production respectueux de l’environnement, un produit peut apposer
sur son packaging le logo du label pour prouver au consommateur que son achat
est utile.
Comme en Europe, le premier produit à être labellisé est
le café, mais les débuts sont très difficiles, les industriels
et les distributeurs nord-américains n’étant pas vraiment
habitués à ce type de pratique… « J’aime par-dessus
tout prouver aux gens qui me disent non qu’ils ont tort » Cet
état d’esprit est sans doute le principal atout de Paul, qui
va passer deux années à parcourir le pays pour convaincre les
fondations de financer son projet.
Les premiers produits labellisés apparaissent et se vendent bien grâce
à un marketing intelligent. « On ne convainc personne d’acheter
un café régulièrement parce qu’il est « équitable
», un café est acheté parce qu’il est bon. ».
Ce credo est à la base de son approche et il tente de démontrer
que l’argent supplémentaire que reçoivent les producteurs
et qu’ils dépensent pour soigner ou éduquer leurs enfants
est le meilleur investissement possible pour obtenir de la qualité.
Aujourd’hui, la révolution est en marche, le café «
équitable » labellisé Transfair se retrouve partout. Il
représente déjà 40% (en valeur) des ventes de café
haut de gamme du pays et sur l’ensemble du café vendu, sa part
de marché flirte avec les 1%. Des cafés labellisés Transfair
ont fait leur apparition chez Starbucks et Procter & Gamble, un des premiers
acheteurs de café au monde, est sur les rangs pour labelliser une de
ses marques.
L’équipe de Transfair, dorénavant composée de 32
passionnés n’a qu’un objectif en tête, vendre le
plus possible ! Et Paul Rice n’hésite pas à évoquer
son ambition d’être présent chez WalMart, le géant
de la distribution. Les puristes seront sans doute choqués par le «
mélange de genres », les producteurs qui voient leurs enfants
aller à l’école pour la première fois s’en
moquent éperdument.
Après le café, Paul Rice a l’intention de lancer des labels
sur d’autres produits comme la banane ou le thé. « Mon
rêve ultime est de rendre possible un mode de vie responsable, alternatif
et équitable ». Là-dessus, nous avons du mal à
croire Paul car à la sortie de cet entretien, nous sommes persuadés
que son vrai rêve est de retourner vivre au Nicaragua…
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