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Changer
le monde en buvant son café ?
" Ne doutez jamais qu'un petit groupe d'individus conscients
et engagés puisse changer le monde. C'est même
la seule chose qui ne se soit jamais produite ". Cette
phrase de Margaret Mead peut-elle s'appliquer à Tristan
Lecomte ?
Conscient et engagé ? Tristan l'est depuis longtemps,
alors qu'il est encore étudiant à HEC, il créée
avec des amis une association de développement au Népal.
Capable de changer le monde ? Seul l'avenir le dira. En tout
cas il essaie et le fait avec rigueur, professionnalisme et
enthousiasme à seulement 28 ans
Alors qu'il travaille chez l'Oréal en contrôle
de gestion en s'ennuyant fermement, il entend parler de commerce
équitable dans un article du " Réverbère
". L'idée lui parait d'abord saugrenue, acheter
à un prix plus élevé le café au
petit producteur pour l'aider, et tenter de convaincre le
consommateur que son achat peut avoir un impact citoyen. Ca
ne ressemble pas vraiment à ce qu'il a lu dans ses
anciens livres de marketing
En quoi consiste exactement le commerce équitable
? L'idée est simple, le distributeur de café
occidental se dit prêt à payer plus cher la matière
première afin de permettre au paysan qui est au bout
de la chaîne, dont les prix ont chuté considérablement
depuis 20 ans, d'investir dans des projets de développement.
En clair, le commerce équitable impose de travailler
en priorité avec les petits producteurs, et de les
payer à un prix juste (fixé selon les critères
de l'ONU) et d'ajouter une prime de développement pour
payer des programmes d'éducation, de logement ou de
santé.
Comment le modèle se pérennise-t-il ? Par
la mise en avant sur le produit final d'un label qui authentifie
la démarche et permet au consommateur de savoir que
son achat est utile. Contrairement à une idée
largement répandue, les prix des produits du commerce
équitable ne sont pas forcément plus élevés,
l'augmentation des coûts d'achat de matière première
(8,8% du prix) étant compensée par l'économie
de lourdes dépenses publicitaires. Ces fameux labels
existent depuis longtemps, le plus reconnu étant Max
Havelaar qui garantit le caractère équitable
de nombreux produits agricoles comme le café, le thé,
ou la banane
Lorsque Tristan Lecomte démissionne enfin pour créer
un ONG d'aide aux associations locales de développement,
il essaye de trouver des fonds grâce à la vente
de produits issus du commerce équitable. Finalement,
le moyen devient la fin et en 1998, Alter Eco ouvre son premier
magasin à Paris le vendredi 13 novembre 1998, ça
ne s'invente pas
Alter Eco n'est pas un label mais une marque qui vend des
produits labellisés " Commerce équitable
". Tristan Lecomte décide d'abord de créer
son propre réseau de magasins pour distribuer ses produits.
Cette première expérience est difficile, le
modèle de distribution en magasin n'est rentable, selon
lui, qu'à condition d'impliquer un personnel de bénévoles
et Tristan, lui, veut créer une entreprise.
Le métier de la distribution est un art difficile qui
exige des talents de créateurs d'ambiance, un sens
de la négociation des meilleurs emplacements, et un
investissement financier de départ minimal conséquent.
Autant de conditions que ne réunit pas forcément
un entrepreneur de 26 ans. Malgré l'ouverture d'une
deuxième boutique un an plus tard, Tristan prend conscience
des limites de l'expérience et ne s'entête pas
S'il ne s'obstine pas dans la forme, il reste décidé
sur le fond et a compris que l'important n'est pas de réinventer
la distribution, mais de vendre un maximum de produits issus
du commerce équitable dans l'intérêt des
producteurs qu'il fédère. Et la grande distribution
aujourd'hui concentre 88% des ventes de produits alimentaires.
Comment s'en passer ?
Tristan ne se pose pas la question longtemps et Alter Eco
devient la première marque de produits issus du commerce
équitable à être vendue chez Monoprix
en 2001. Aujourd'hui, un des 14 produits alimentaires Alter
Eco est vendu toutes les 4 minutes dans les différents
magasins fournis et le chiffre d'affaire d'Alter Eco devrait
atteindre 2 millions d'euros en 2003.
Après Monoprix, c'est Cora qui s'est décidé
à distribuer les produits d'Alter Eco. Comment Tristan
envisage le succès ? Devenir une entreprise reconnue
et rentable, ce sera le meilleur moyen d'assurer le développement
des petits producteurs.
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