Tristan
Lecomte - Paris (France) - 14 Avril 2003
Changer le monde en buvant
son café ?
"
Ne doutez jamais qu'un petit groupe d'individus conscients et engagés
puisse changer le monde. C'est même la seule chose qui ne se soit jamais
produite ". Cette phrase de Margaret Mead peut-elle s'appliquer à
Tristan Lecomte ?
Conscient et engagé ? Tristan l'est depuis longtemps, alors qu'il est
encore étudiant à HEC, il créée avec des amis
une association de développement au Népal. Capable de changer
le monde ? Seul l'avenir le dira. En tout cas il essaie et le fait avec rigueur,
professionnalisme et enthousiasme à seulement 28 ans…
Alors qu'il travaille chez l'Oréal en contrôle de gestion en
s'ennuyant fermement, il entend parler de commerce équitable dans un
article du " Réverbère ". L'idée lui parait
d'abord saugrenue, acheter à un prix plus élevé le café
au petit producteur pour l'aider, et tenter de convaincre le consommateur
que son achat peut avoir un impact citoyen. Ca ne ressemble pas vraiment à
ce qu'il a lu dans ses anciens livres de marketing…
En quoi consiste exactement le commerce équitable ? L'idée est
simple, le distributeur de café occidental se dit prêt à
payer plus cher la matière première afin de permettre au paysan
qui est au bout de la chaîne, dont les prix ont chuté considérablement
depuis 20 ans, d'investir dans des projets de développement. En clair,
le commerce équitable impose de travailler en priorité avec
les petits producteurs, et de les payer à un prix juste (fixé
selon les critères de l'ONU) et d'ajouter une prime de développement
pour payer des programmes d'éducation, de logement ou de santé.
Comment le modèle se pérennise-t-il ? Par la mise en avant sur
le produit final d'un label qui authentifie la démarche et permet au
consommateur de savoir que son achat est utile. Contrairement à une
idée largement répandue, les prix des produits du commerce équitable
ne sont pas forcément plus élevés, l'augmentation des
coûts d'achat de matière première (8,8% du prix) étant
compensée par l'économie de lourdes dépenses publicitaires.
Ces fameux labels existent depuis longtemps, le plus reconnu étant
Max Havelaar qui garantit le caractère équitable de nombreux
produits agricoles comme le café, le thé, ou la banane…
Lorsque Tristan Lecomte démissionne enfin pour créer un ONG
d'aide aux associations locales de développement, il essaye de trouver
des fonds grâce à la vente de produits issus du commerce équitable.
Finalement, le moyen devient la fin et en 1998, Alter Eco ouvre son premier
magasin à Paris le vendredi 13 novembre 1998, ça ne s'invente
pas…
Alter Eco n'est pas un label mais une marque qui vend des produits labellisés
" Commerce équitable ". Tristan Lecomte décide d'abord
de créer son propre réseau de magasins pour distribuer ses produits.
Cette première expérience est difficile, le modèle de
distribution en magasin n'est rentable, selon lui, qu'à condition d'impliquer
un personnel de bénévoles… et Tristan, lui, veut créer
une entreprise.
Le métier de la distribution est un art difficile qui exige des talents
de créateurs d'ambiance, un sens de la négociation des meilleurs
emplacements, et un investissement financier de départ minimal conséquent.
Autant de conditions que ne réunit pas forcément un entrepreneur
de 26 ans. Malgré l'ouverture d'une deuxième boutique un an
plus tard, Tristan prend conscience des limites de l'expérience et
ne s'entête pas…
S'il ne s'obstine pas dans la forme, il reste décidé sur le
fond et a compris que l'important n'est pas de réinventer la distribution,
mais de vendre un maximum de produits issus du commerce équitable dans
l'intérêt des producteurs qu'il fédère. Et la grande
distribution aujourd'hui concentre 88% des ventes de produits alimentaires.
Comment s'en passer ?
Tristan ne se pose pas la question longtemps et Alter Eco devient la première
marque de produits issus du commerce équitable à être
vendue chez Monoprix en 2001. Aujourd'hui, un des 14 produits alimentaires
Alter Eco est vendu toutes les 4 minutes dans les différents magasins
fournis et le chiffre d'affaire d'Alter Eco devrait atteindre 2 millions d'euros
en 2003.
Après Monoprix, c'est Cora qui s'est décidé à
distribuer les produits d'Alter Eco. Comment Tristan envisage le succès
? Devenir une entreprise reconnue et rentable, ce sera le meilleur moyen d'assurer
le développement des petits producteurs.
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