Hernando de Soto - Lima (Pérou - par téléphone) - 03 Septembre 2004

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Le Mystère du Capital.


Imaginez un pays où personne ne pourrait savoir qui est propriétaire de quoi, où l’on ne pourrait s'assurer facilement d'une adresse, où on ne pourrait forcer personne à payer ses dettes, où on aurait toutes les peines du monde à convertir en argent un bien matériel, où on ne pourrait pas diviser en parts des titres de propriété et où les règles qui régissent la propriété changeraient d'un quartier à l'autre, voire d'une rue à l'autre. Sans titre de propriété ou devant la complexité à s’enregistrer de manière légale, la majeure partie de la population fixerait ses propres règles de fonctionnement (en termes de sécurité, de crédit ou de caution), favorisant ainsi l’extra-légalité et l’économie informelle. Cette réalité existe, c’est celle de nombreux pays en voie de développement.

Hernando de Soto, le fondateur de l’ILD (Institut pour la Liberté et la Démocratie), tente depuis plus de 20 ans d’intégrer l’économie informelle dans la sphère légale. Voici l’histoire de celui qui, selon beaucoup, lutte le plus efficacement contre la pauvreté et, à ce titre, a été élu par le Times Magazine l’une des 100 personnalités les plus influentes de la planète.

Né en 1941 à Arequipa au Pérou, Hernando de Soto émigre vers l’Europe dès l’âge de 7 ans, parce que son père, un proche conseiller du président en place est chassé par un coup d’Etat d’extrême droite. Il poursuit ses études d’économie à Genève, sans pour autant perdre de vue la situation de son pays d’origine puisque ses parents le poussent, lui et son frère, à lire chaque jour les principaux quotidiens Péruviens et à y retourner quelques semaines chaque année. Brillant économiste, il débute sa carrière au GATT (l’ancêtre de l’OMC) pour participer aux âpres négociations internationales des Tokyo et Kennedy Rounds. À 29 ans, alors qu’il s’apprête enfin à rentrer au Pérou, on lui propose la présidence d’une des plus grosses sociétés européennes de conseil en ingénierie, et il accepte.

Dix longues années plus tard, son rêve se concrétise enfin et il rentre à Lima. Il devient Gouverneur de la Banque Centrale Péruvienne et organise une grande conférence sur les perspectives de développement économique au Pérou, invitant des pointures telles que Joseph Stiglitz*, Milton Friedman** ou Jean François Revel***. Cette conférence va changer sa vie. Il prend conscience que 90% des PME, 85% des transports urbains, 60% de la flotte de pêche (l’une des plus importantes au monde) et 60% des épiceries alimentaires de son pays font partie du secteur informel.****

Surpris et bien décidé à agir pour inclure ces pans de richesse nationale dans la légalité, il arpente les bidonvilles chaque week-end, écoute les témoignages de milliers de ses compatriotes et crée un « think tank » dont le but va être de trouver les solutions concrètes à ce problème d'envergure. Il décide de fonder un minuscule atelier de couture dans les bidonvilles de Lima et souhaite le faire enregistrer auprès du gouvernement. Il découvre que pour cela, il lui faut passer par des dizaines de pénibles échelons administratifs, nécessitant 289 jours de travail à temps plein à un coût 31 fois supérieur au salaire minimum mensuel. Pas étonnant qu’une grande partie de la population opte pour l’extra-légalité ! Autre exemple en Egypte où c'est 90% de la population qui possède son capital (appartements, maisons, petits commerces, véhicules ou matériel) en dehors de la loi. Celui-ci, évalué par les équipes de l’ILD à 210 Milliards d’€ équivaut à 55 fois le montant des investissements directs étrangers reçus depuis 1950 ou à 30 fois la valeur de toutes les sociétés existantes !

Mais le « coût de légalisation » est aussi pour chaque Égyptien prohibitif. Il lui faut 2 ans pour enregistrer son affaire et 17 ans pour sa maison, le privant ainsi de précieuses cautions ou hypothèques, sésame indispensable au crédit, à la création d’entreprises et aux mouvements de propriété. « Loin d’être des marginaux que les élites ou le gouvernement avaient cessé de considérer, les pauvres de Lima ou du Caire portaient sur leurs dos leurs économies Nationales ».

Pour « réveiller ce capital mort », Hernando va mettre en place pendant les années 80, sous 3 présidents dont il sera l’un des plus proches conseillers, plus de 400 initiatives et lois pour moderniser l’économie nationale. Il redessine le système de propriété afin d’inclure 1,2 millions de familles et 380 000 sociétés opérant auparavant au « marché noir ». Ces réformes ont depuis permis d’augmenter la Richesse Nationale de plus de 9 Milliards d’€. Situé au-delà des clivages politiques de son pays, il se fait cependant menacer de mort par le Sentier Lumineux, groupuscule d’extrême gauche qui l’accuse « d’être à la solde des Américains et d’hypocritement détourner les pauvres de la vraie Révolution ». Sa voiture et son domicile sont plastiqués, des bombes explosent tuant et blessant de nombreux collaborateurs de l’ILD. « C’est à ce moment que j’ai compris la force et l’impact de nos idées ».

Effrayé mais perséverant, il formule ses idées dans de nombreux médias internationaux et publie deux ouvrages : « L’Autre Sentier », et « Le Mystère du Capital, pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs ». Best-sellers, salués par la critique, ces ouvrages ont permis à Hernando et ses équipes de travailler avec 35 autres nations. Désormais sans cesse en déplacement pour diffuser ses idées, il ne rencontre et ne conseille que les Chefs d’Etat car eux seuls ont la marge de manœuvre et la volonté de bousculer les statu quo.

« En visitant les pays en voie de développement, ce que vous laissez derrière vous n'est pas le monde high-tech des ordinateurs, de la télévision par satellite ou du Viagra. Tout cela, les habitants du Caire ou de Rio y ont accès. Non, ce que vous laissez derrière vous, c'est un monde où la loi protège les transactions sur les titres de propriété et où celles-ci peuvent être utilisées comme caution pour entreprendre ». Hernando est le premier à avoir vu que les plus pauvres sont laissés hors du système non pas parce qu’ils le souhaitent mais bien parce que les lois ne leur correspondent pas. Il dédie sa vie à changer cela et « comme dans ma famille nous avons une fâcheuse habitude à vivre vieux », il se peut que dans 30 ans, il soit encore aux avant-postes de cette surprenante révolution silencieuse.

* Joseph Stieglitz : Futur Economiste en Chef de la Banque Mondiale.
** Milton Friedman : Prix Nobel d’Economie pour ses travaux sur la Monnaie.
*** Jean-François Revel : Académicien & Ecrivain à succès.

**** Source ILD


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