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La
femme qui murmurait "éthique" à l'oreille
des patrons de Wall Street.
Amy Domini ne s’est pas engagé dans un défi
des plus simples. Elle s’est mis en tête, depuis
20 ans, de prouver à Wall Street que l’investissement
socialement responsable n’est pas une hérésie
de beatnik utopiste. Depuis deux décennies, malgré
des difficultés, elle montre que la prise en compte
de critères environnementaux et sociaux dans la sélection
des fonds d’investissements ne relève pas que
du « blanchiment » de conscience mais aussi d’une
bonne méthode de gestion.
Lorsqu’en 1980, Amy Domini devient la première
femme courtier en bourse de sa société, seule
au beau milieu de plus de 800 hommes, elle a du mal à
y croire. En effet, c’est comme simple secrétaire
qu’elle est rentrée dans la société
quelques années plus tôt, mais dorénavant
elle va pouvoir prouver qu’elle peut faire ce métier
d’homme, avec une sensibilité toute féminine.
Et, cela n’étonnera que les plus machos d’entre
nous, elle commence à entendre de ses clients ce que
personne n’avait alors entendu… Une demande de
plus d’éthique dans les choix d’investissements.
Un client passionné d’ornithologie lui demande
expressément de ne pas investir dans une entreprise
de papier dont la pollution industrielle qui ravage des espèces
entières le désole. Plusieurs autres tiennent
régulièrement à s’assurer que leur
argent ne va pas financer les secteurs du tabac ou de l’armement.
L’idée commence alors à germer de faire
de la finance autrement, en prenant en compte, hérésie
pour l’époque, des critères non financiers.
En 1984, elle écrit le premier livre sur le sujet qui
eut le mérite de rassembler la communauté naissante
de personnes rêvant d’utiliser la finance pour
influencer les entreprises sur leurs impacts sociétaux.
Mais pour la plupart des analystes, un patron qui s’intéresse
à l’environnement ou à la société
ne peut qu’augmenter ses coûts et donc perdre
de l’argent – mauvais placement ! Amy Domini doit
alors trouver le moyen de démontrer le contraire.
Pour prouver à tout Wall Street qu’ils ont tort,
mince affaire, elle va créer en 1989 le premier index
de 400 sociétés cotées qui sont sélectionnées
sur le caractère éthique de leur comportement.
Comme le CAC 40, cet index montre aux investisseurs quelles
sont les 400 entreprises les plus responsables dans le domaine
social et environnemental. Elle crée aussi, avec deux
associés, un fond qui n’investit que dans les
sociétés sélectionnées et un institut
de recherche, seul capable alors d’évaluer et
de rassembler les informations nécessaires sur le comportement
des entreprises « hors bilan ». Depuis 15 ans
qu’il existe, l’index a non seulement prouvé
par ses performances qu’être plus responsable
ne coûtait rien mais rapportait ! Ses performances boursières
sont meilleures que celles du Standard & Poor’s
500, la référence dans le milieu et qui lui,
n’applique aucun critère non financier. Le pari
est gagné !
Aujourd’hui, le fonds d’Amy Domini est un véritable
cheval de Troyes qui s’invite à la table des
investisseurs de grands groupes pour poser les questions qui
dérangent. Son action permet souvent un dialogue entre
les corporations où elle investit et les ONG locales
ou internationales. Par exemple, elle est en passe de faire
accepter à Procter & Gamble, l’un des plus
importants acheteurs de café au monde, de tenter l’aventure
du commerce équitable. C’est un travail difficile
d’autant que les activistes les plus ultras ont souvent
stigmatisé l’action d’Amy comme un acte
de pure communication hypocrite. Malgré les critiques,
elle reste persuadée que la meilleure façon
de faire évoluer les grandes multinationales est de
rester présente dans leur actionnariat, pour maintenir
la possibilité d’un dialogue et élever
le débat.
Dans l’univers des plus puissantes multinationales,
dont les PDG changent en moyenne tous les 18 mois, il est
rassurant de voir que le mouvement d’une finance responsable
prend de l’ampleur et réussit à faire
évoluer le comportement des grands groupes, dans la
bonne direction. Mais, même Amy en convient avec nous
: « Il reste tant à faire ! ».
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