Amy
Domini - Boston (Etats-Unis) - 2 Mars 2004
La femme qui murmurait
"éthique" à l'oreille des patrons de Wall Street.
Amy Domini
ne s’est pas engagé dans un défi des plus simples. Elle
s’est mis en tête, depuis 20 ans, de prouver à Wall Street
que l’investissement socialement responsable n’est pas une hérésie
de beatnik utopiste. Depuis deux décennies, malgré des difficultés,
elle montre que la prise en compte de critères environnementaux et
sociaux dans la sélection des fonds d’investissements ne relève
pas que du « blanchiment » de conscience mais aussi d’une
bonne méthode de gestion.
Lorsqu’en 1980, Amy Domini devient la première femme courtier
en bourse de sa société, seule au beau milieu de plus de 800
hommes, elle a du mal à y croire. En effet, c’est comme simple
secrétaire qu’elle est rentrée dans la société
quelques années plus tôt, mais dorénavant elle va pouvoir
prouver qu’elle peut faire ce métier d’homme, avec une
sensibilité toute féminine. Et, cela n’étonnera
que les plus machos d’entre nous, elle commence à entendre de
ses clients ce que personne n’avait alors entendu… Une demande
de plus d’éthique dans les choix d’investissements. Un
client passionné d’ornithologie lui demande expressément
de ne pas investir dans une entreprise de papier dont la pollution industrielle
qui ravage des espèces entières le désole. Plusieurs
autres tiennent régulièrement à s’assurer que leur
argent ne va pas financer les secteurs du tabac ou de l’armement. L’idée
commence alors à germer de faire de la finance autrement, en prenant
en compte, hérésie pour l’époque, des critères
non financiers.
En 1984, elle écrit le premier livre sur le sujet qui eut le mérite
de rassembler la communauté naissante de personnes rêvant d’utiliser
la finance pour influencer les entreprises sur leurs impacts sociétaux.
Mais pour la plupart des analystes, un patron qui s’intéresse
à l’environnement ou à la société ne peut
qu’augmenter ses coûts et donc perdre de l’argent –
mauvais placement ! Amy Domini doit alors trouver le moyen de démontrer
le contraire.
Pour prouver à tout Wall Street qu’ils ont tort, mince affaire,
elle va créer en 1989 le premier index de 400 sociétés
cotées qui sont sélectionnées sur le caractère
éthique de leur comportement. Comme le CAC 40, cet index montre aux
investisseurs quelles sont les 400 entreprises les plus responsables dans
le domaine social et environnemental. Elle crée aussi, avec deux associés,
un fond qui n’investit que dans les sociétés sélectionnées
et un institut de recherche, seul capable alors d’évaluer et
de rassembler les informations nécessaires sur le comportement des
entreprises « hors bilan ». Depuis 15 ans qu’il existe,
l’index a non seulement prouvé par ses performances qu’être
plus responsable ne coûtait rien mais rapportait ! Ses performances
boursières sont meilleures que celles du Standard & Poor’s
500, la référence dans le milieu et qui lui, n’applique
aucun critère non financier. Le pari est gagné !
Aujourd’hui, le fonds d’Amy Domini est un véritable cheval
de Troyes qui s’invite à la table des investisseurs de grands
groupes pour poser les questions qui dérangent. Son action permet souvent
un dialogue entre les corporations où elle investit et les ONG locales
ou internationales. Par exemple, elle est en passe de faire accepter à
Procter & Gamble, l’un des plus importants acheteurs de café
au monde, de tenter l’aventure du commerce équitable. C’est
un travail difficile d’autant que les activistes les plus ultras ont
souvent stigmatisé l’action d’Amy comme un acte de pure
communication hypocrite. Malgré les critiques, elle reste persuadée
que la meilleure façon de faire évoluer les grandes multinationales
est de rester présente dans leur actionnariat, pour maintenir la possibilité
d’un dialogue et élever le débat.
Dans l’univers des plus puissantes multinationales, dont les PDG changent
en moyenne tous les 18 mois, il est rassurant de voir que le mouvement d’une
finance responsable prend de l’ampleur et réussit à faire
évoluer le comportement des grands groupes, dans la bonne direction.
Mais, même Amy en convient avec nous : « Il reste tant à
faire ! ».
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