Le siège du RMI, modèle d'éco-conception
et d'architecture durable.
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De l'énergie à revendre...
Filez sur une route de campagne enneigée au beau milieu
des pâturages, longez une rivière gelée
puis passez un pont en bois situé à 2000 mètres
d’altitude et vous tomberez sur une grande maison en
pierre semblant défier les lois de la physique. C’est
ici, que plus de 70 000 visiteurs sont venus visiter le siège
social du Rocky Mountain Institute (RMI). Modèle d’architecture
durable, ce bâtiment confortable fonctionne toute l’année
sans aucun système de chauffage ou de climatisation,
alors que le climat réserve des variations de température
de -20°C à 30°C. C’est ici que l’un
des meilleurs experts mondiaux de l'énergie nous reçoit
et revient sur plus de 25 années de recherche et d’activités
qui ont fait de lui, selon le Times Magazine, l’un des
(trop) peu nombreux « héros pour la Planète
».
Né à Washington, Amory grandit dans le Massachusetts.
Élève brillant, il intègre la prestigieuse
Université d’Harvard et travaille en collaboration
avec Edouard Purcell, récent prix Nobel de Physique.
« Ce sur quoi je travaillais à cette époque
était passionnant mais au final peu important ».
Dès la deuxième année, il est contraint
de quitter l’Université pour des problèmes
de genoux. C’est à cette époque que, pour
se remuscler, il randonne de longues heures en montagne et
devient un amoureux de la nature.
Très tôt, il commence à s’intéresser
aux problématiques d’énergies et de conservations
et rencontre, en 1971, David Brower, le mythique fondateur
des « Amis de la Terre », une des toutes premières
ONG environnementales. Installé à Londres, il
publie son premier livre de photographie, véritable
cri d’alerte pour empêcher un Parc Naturel Gallois
d’être déclassé en raison de ses
importantes ressources minières. À 28 ans, Amory
commence à publier des articles remarqués où
il prévoit que, lentement mais sûrement, les
énergies renouvelables (le solaire, l’éolien
et les biocarburants) supplanteront un jour le système
de production centralisé reposant sur les énegies
fossiles et le nucléaire. Ses théories avant-gardistes
sur l’efficacité énergétique, exprimées
entre les deux chocs pétroliers, rencontrent un succès
considérable et deux ans plus tard, il a déjà
écrit six ouvrages et est devenu consultant dans pas
moins de quinze pays.
Rapidement, il ressent le besoin de créer un centre
de recherche indépendant et apolitique pour mettre
ses idées en pratique. Avec l’aide de généreux
« Business Angels » et de fondations, la première
mission qu’il se donne est de construire un bâtiment
éco-efficient. Ainsi, grâce à un design
innovant, des « super fenêtres » permettant
de collecter la chaleur et tout un tas de petites innovations,
il réussit à réduire la consommation
énergétique du bâtiment de 90% (entièrement
fournie par des panneaux solaires) et sa consommation d’eau
de moitié. Le léger surcoût à l’investissement
a été rentabilisé en 10 mois et il économise
désormais 7000 € par an sur ses factures.
Dans le courant des années 80, grâce à
de nombreux travaux de consultants, il arrive à prouver
aux compagnies électriques nord-américaines
qu’il faut aider leurs clients à réduire
leur consommation. Les « négawatts » sont
nés. En subventionnant les économies d’énergies
elles permettent non seulement à leurs clients de gagner
de l’argent (en plus de les fidéliser), mais
réduisent considérablement leurs coûts.
Par exemple, en 1992, le plus grand groupe électrique
Californien a investi 170 Millions de Dollars pour aider ses
clients à réduire leurs factures, ce qui a généré
400 Millions d’économies – redistribuées
à 89% pour les clients sous forme de réduction
de tarifs et 11% pour les actionnaires.
Petit à petit, Amory se mue en auteur à succès
puisqu’il co-écrit des « bibles »
du Développement Durable telles que Facteur 4 et Natural
Capitalism (avec Paul Hawken - voir
son portrait) où il explique, grâce à
une multitude d’exemples, ce que pourrait être
une économie « durable » avec un impact
écologique drastiquement restreint. Pour prouver la
validité de ses brillantes théories, il n’a
rien trouvé de mieux que de s’attaquer à
la plus grande industrie mondiale : l’automobile.
Avec une petite équipe d’experts, il réussit
à dessiner l’Hypercar, une voiture à propulsion
par une pile à combustible, équipée d’une
structure en fibres de carbones ultra-resistantes (et jusqu’à
50% plus légère que l'acier), aux mêmes
niveaux d’efficacité, de confort et de sécurité
que les derniers modèles sortis. Ce concept car consomme
jusqu’à 60% moins de combustibles, et grâce
à la technologie de la pile à combustible, qui
n'utilise que de l'hydrogène, n'emet que de la vapeur
d'eau. « Virtuellement, si la totalité de la
flotte mondiale était remplacée par ce véhicule
5 fois plus efficace et qui roule à l'hydrogène,
nous pourrions économiser autant de pétrole
que ce que les pays de l’OPEP exporte actuellement et
ralentir considérablement le réchauffement climatique
». Grâce à ces séries d’innovations,
Amory travaille avec les plus grands constructeurs mondiaux
pour faire de ce projet une réalité et a été
élu par le magazine automobile de référence
la 22e personnalité la plus influente du secteur !
Ce touche-à-tout génial, amoureux de la nature
et qui travaille main dans la main avec les multinationales
décriées par les écolos les plus radicaux,
contribue sans doute plus que quiconque à construire
une économie plus propre et un mode de vie plus sain,
durable et respectueux de l’environnement. Malgré
sa renommée et son influence, il conclue notre entrevue
humblement en prévoyant que les solutions aux grands
enjeux viendront certainement de plus en plus des pays du
Sud. « Les cerveaux ont été équitablement
distribués : un par personne ; et ce transfert inverse
de technologies et de savoir nous demandera des esprits grands
ouverts et des cœurs modestes ».
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