Amory
Lovins - Snowmass (Etats-Unis) - 10 Février 2004
De l'énergie à
revendre...
Filez sur une route de campagne enneigée au beau milieu des pâturages,
longez une rivière gelée puis passez un pont en bois situé
à 2000 mètres d’altitude et vous tomberez sur une grande
maison en pierre semblant défier les lois de la physique. C’est
ici, que plus de 70 000 visiteurs sont venus visiter le siège social
du Rocky Mountain Institute (RMI). Modèle d’architecture durable,
ce bâtiment confortable fonctionne toute l’année sans aucun
système de chauffage ou de climatisation, alors que le climat réserve
des variations de température de -20°C à 30°C. C’est
ici que l’un des meilleurs experts mondiaux de l'énergie nous
reçoit et revient sur plus de 25 années de recherche et d’activités
qui ont fait de lui, selon le Times Magazine, l’un des (trop) peu nombreux
« héros pour la Planète ».
Né à Washington, Amory grandit dans le Massachusetts. Élève
brillant, il intègre la prestigieuse Université d’Harvard
et travaille en collaboration avec Edouard Purcell, récent prix Nobel
de Physique. « Ce sur quoi je travaillais à cette époque
était passionnant mais au final peu important ». Dès la
deuxième année, il est contraint de quitter l’Université
pour des problèmes de genoux. C’est à cette époque
que, pour se remuscler, il randonne de longues heures en montagne et devient
un amoureux de la nature.
Très tôt, il commence à s’intéresser aux
problématiques d’énergies et de conservations et rencontre,
en 1971, David Brower, le mythique fondateur des « Amis de la Terre
», une des toutes premières ONG environnementales. Installé
à Londres, il publie son premier livre de photographie, véritable
cri d’alerte pour empêcher un Parc Naturel Gallois d’être
déclassé en raison de ses importantes ressources minières.
À 28 ans, Amory commence à publier des articles remarqués
où il prévoit que, lentement mais sûrement, les énergies
renouvelables (le solaire, l’éolien et les biocarburants) supplanteront
un jour le système de production centralisé reposant sur les
énegies fossiles et le nucléaire. Ses théories avant-gardistes
sur l’efficacité énergétique, exprimées
entre les deux chocs pétroliers, rencontrent un succès considérable
et deux ans plus tard, il a déjà écrit six ouvrages et
est devenu consultant dans pas moins de quinze pays.
Rapidement, il ressent le besoin de créer un centre de recherche indépendant
et apolitique pour mettre ses idées en pratique. Avec l’aide
de généreux « Business Angels » et de fondations,
la première mission qu’il se donne est de construire un bâtiment
éco-efficient. Ainsi, grâce à un design innovant, des
« super fenêtres » permettant de collecter la chaleur et
tout un tas de petites innovations, il réussit à réduire
la consommation énergétique du bâtiment de 90% (entièrement
fournie par des panneaux solaires) et sa consommation d’eau de moitié.
Le léger surcoût à l’investissement a été
rentabilisé en 10 mois et il économise désormais 7000
€ par an sur ses factures.
Dans le courant des années 80, grâce à de nombreux travaux
de consultants, il arrive à prouver aux compagnies électriques
nord-américaines qu’il faut aider leurs clients à réduire
leur consommation. Les « négawatts » sont nés. En
subventionnant les économies d’énergies elles permettent
non seulement à leurs clients de gagner de l’argent (en plus
de les fidéliser), mais réduisent considérablement leurs
coûts. Par exemple, en 1992, le plus grand groupe électrique
Californien a investi 170 Millions de Dollars pour aider ses clients à
réduire leurs factures, ce qui a généré 400 Millions
d’économies – redistribuées à 89% pour les
clients sous forme de réduction de tarifs et 11% pour les actionnaires.
Petit à petit, Amory se mue en auteur à succès puisqu’il
co-écrit des « bibles » du Développement Durable
telles que Facteur 4 et Natural Capitalism (avec Paul Hawken , un autre de
nos pionniers) où il explique, grâce à une multitude d’exemples,
ce que pourrait être une économie « durable » avec
un impact écologique drastiquement restreint. Pour prouver la validité
de ses brillantes théories, il n’a rien trouvé de mieux
que de s’attaquer à la plus grande industrie mondiale : l’automobile.
Avec une petite équipe d’experts, il réussit à
dessiner l’Hypercar, une voiture à propulsion par une pile à
combustible, équipée d’une structure en fibres de carbones
ultra-resistantes (et jusqu’à 50% plus légère que
l'acier), aux mêmes niveaux d’efficacité, de confort et
de sécurité que les derniers modèles sortis. Ce concept
car consomme jusqu’à 60% moins de combustibles, et grâce
à la technologie de la pile à combustible, qui n'utilise que
de l'hydrogène, n'emet que de la vapeur d'eau. « Virtuellement,
si la totalité de la flotte mondiale était remplacée
par ce véhicule 5 fois plus efficace et qui roule à l'hydrogène,
nous pourrions économiser autant de pétrole que ce que les pays
de l’OPEP exporte actuellement et ralentir considérablement le
réchauffement climatique ». Grâce à ces séries
d’innovations, Amory travaille avec les plus grands constructeurs mondiaux
pour faire de ce projet une réalité et a été élu
par le magazine automobile de référence la 22e personnalité
la plus influente du secteur !
Ce touche-à-tout génial, amoureux de la nature et qui travaille
main dans la main avec les multinationales décriées par les
écolos les plus radicaux, contribue sans doute plus que quiconque à
construire une économie plus propre et un mode de vie plus sain, durable
et respectueux de l’environnement. Malgré sa renommée
et son influence, il conclue notre entrevue humblement en prévoyant
que les solutions aux grands enjeux viendront certainement de plus en plus
des pays du Sud. « Les cerveaux ont été équitablement
distribués : un par personne ; et ce transfert inverse de technologies
et de savoir nous demandera des esprits grands ouverts et des cœurs modestes
».
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