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L'accès
à l'Eau pour tous...
Une multinationale, cotée en bourse, présente
dans plus de 130 pays, est-elle crédible lorsqu’elle
prétend participer à la diminution de la pauvreté,
et permettre à des couches de population pauvres d’accéder
à un des besoin les plus essentiels : l’eau ?
C’est pour répondre à cette interrogation
que nous avons voulu rencontrer Alain Mathys, directeur de
l’environnement et du développement durable chez
Suez Environnement.
Filiale de Suez spécialisée les services de
gestion des eaux, Ondeo par l’intermédiaire de
ses clients - municipalités des grandes agglomérations
- fournit 115 Millions de personnes en eau potable chaque
jour ce qui fait d’elle le leader mondial du secteur
(devant Veolia, ex-Vivendi Environnement).
« Au 21ème siècle, la solution aux problèmes
d’accès à l’eau des populations
défavorisées viendra de l’initiative née
du dialogue entre ONG et entreprises privées ».
Cette conviction majeure, Alain Mathys l’a acquise au
cours d’une carrière consacrée aux problématiques
de l’eau, de son travail au sein d’ONGs en Afrique,
de l’UNICEF ou à la Banque Mondiale. Cohérent,
il est aujourd’hui à l’origine du programme
« Eau et Assainissement pour tous » d’Ondeo.
Ce programme est intéressant car ses objectifs sont
d’intégrer à toute l’activité
d’Ondeo des objectifs de meilleure couverture des populations
en difficulté.
Alain Mathys nous explique que le marché de l’eau
a connu un changement radical dans son approche. Auparavant,
l’accès à l’eau était régi
par l’offre et les entreprises ne s’intéressaient
pas aux populations pauvres par peur des nombreux problèmes
de recouvrement et parce qu’individuellement, la consommation
potentielle était plus faible. Mais le monde a changé,
dorénavant, pour gagner des marchés il faut
s’engager sur la couverture de zones pauvres avec des
moyens adaptés. Et ce qui a surpris le plus, c’est
que les populations défavorisées, mesurant davantage
le caractère essentiel du service rendu paient dans
de meilleures conditions et gaspillent moins que les populations
aisées… Surpris ?
Dans des villes où le programme a déjà
été lancé (Buenos Aires, Casablanca,
Djakarta, La Paz…), le taux de recouvrement des factures
dans ces quartiers est plus élevé que dans les
quartier aisés (de l’ordre de 90 %).
Alain Mathys et son équipe s’apparentent ainsi
à une équipe d’ingénieurs sociaux.
Dessiner les plans de réseaux efficaces ne suffit plus,
il faut désormais savoir dialoguer avec la population
locale pour connaître les réels besoins par quartiers
(fontaines communes ou robinets dans chaque maison, procédé
de facturation individuel ou collectif..) et s’appuyer
sur des ONGs locales pour la formation et organiser le paiement
du service.
Ce programme permet aujourd’hui à Ondeo d’approvisionner
8 millions de personnes défavorisées (ayant
moins de 1US$/jour pour vivre) et se fixe l’objectif
d’approvisionner 11.7 millions à la fin de l’année
2003 (représentant 40% de leurs clients dans ces agglomérations).
Permettre aux populations locales d’accéder à
l’eau n’est plus considérée comme
une « bonne œuvre » de Suez mais une raison
essentielle de son succès, c’est ce savoir faire
d’ingénierie sociale qui lui fait gagner les
contrats.
Face à l’enjeu d’épuisement des
ressources en eaux potables, Ondeo aussi a une approche innovante.
En vue de limiter les gaspillages, les prix appliqués
sont progressifs. En clair, le 20ème litre consommé
coûte plus cher que le 1er : les gros consommateurs
paient pour les petits.
Bien entendu, il est parfois difficile pour Ondeo de supporter
les risques géopolitiques. Alain Mathys nous explique
qu’ils ont dû, par exemple, se désengager
d’un contrat signé pour 20 ans à Manille
(aux Philippines) car une dévaluation de la monnaie
locale a fait chuté les recettes d’Ondeo de près
de 70%. Les emprunts nécessaires à la construction
de telles infrastructures étant libellées en
dollars et l’Etat philippin ne garantissant plus les
recettes minimales pourtant convenues dans le contrat, la
situation n’était plus tenable.
Et c’est là une des principales difficultés
de tels programmes : l’équilibre entre des investissements
colossaux, et de forts impératifs de rentabilité.
Désormais, dans chaque ville ou le programme est implanté,
Ondeo tente de trouver un maximum de financements en monnaie
locale, devenant ainsi moins dépendants des fluctuations
de change.
Alain Mathys ne désespère pas : « Ce
n’est que l’instabilité politique locale
qui freine aujourd’hui l’accès d’Ondeo
à des pays en situation de pauvreté extrême
car à moyen terme, ces pays représenteront,
comme l’explique Joseph Stiglitz, ex numéro 2
de la Banque Mondiale, des zones de demande encore non satisfaites
et donc de croissance. »
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