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Les crèches au Bangladesh, ça c'est un businesh
!!!
Dans la majorité des pays du sous-continent indien,
les femmes sont responsables non seulement de l’éducation
des enfants mais également des moyens de subsistance
du foyer. Dans les zones urbaines, devant le peu de ressources
dont elles disposent, elles acceptent des emplois d’usines
à 12 à 14 heures par jour et sont contraintes
de délaisser leurs petits. Suraiya Haque, la fondatrice
de Phulki, une PME basée à Dacca, nous explique
comment elle a réussi à monter plus d’une
centaine de crèches pour que « les femmes n’aient
plus à choisir entre leurs enfants et leur indépendance
financière ».
Originaire de Chittagong, la deuxième ville du Bangladesh,
Suraiya a grandi dans un environnement privilégié.
Cependant, par pression sociale, elle se voit contrainte d’interrompre
ses études à 16 ans et d'épouser un «
ami de la famille ». Après avoir mis au monde
2 enfants, se jugeant pourtant effacée jusqu’alors,
elle décide de reprendre ses études contre l’avis
de son mari et de sa belle-famille. « Je voulais étudier
pour devenir quelqu’un et non plus la fille, la femme
ou la mère de tel ou tel homme ». Elle est embauchée
dans une usine textile comme chef de production avant de devoir
suivre son mari à Dacca. En 1990, une femme de ménage
toque à sa porte. Elle refuse de l’employer car
la femme a un enfant en bas âge, mais dès le
lendemain, commence à éprouver des remords.
« Ce fut le moment où tout a basculé ».
Du fond de son garage, elle crée son ONG et cherche
rapidement à monter des crèches à proximité
des nombreuses usines et ateliers à main d’œuvre
féminine. Les premiers centres de Phulki sont financés
par des donneurs extérieurs et gérés
entièrement par le personnel de l’ONG.
Elle fait pression sur des membres du gouvernement et sur
de nombreux capitaines d’industries, mais arrive rapidement
à la conclusion qu’une structure associative
n’est pas un projet durable. Il va lui falloir trouver
autre chose. Pragmatique, elle s’aide d’un ami
directeur d’usine et lance une vaste étude dont
le but sera de prouver la viabilité financière
pour chaque entreprise de créer sa propre crèche.
En compilant les manques à gagner des taux d’absentéismes
élevés, la diminution de la productivité
et de la qualité du travail, elle arrive à ses
fins et créée un nouveau modèle.
Désormais, l’usine fournit le local et paye «
les nourrices » pendant que les mères apportent
la nourriture quotidienne et payent 50 Thakas (1 €) par
mois pour les frais de gestion du centre. Phulki se propose
de gérer la crèche pendant les 12 premiers mois,
forme le personnel et se rémunère en tant que
« consultant ». Les plus faciles à convaincre
furent dans un premier temps les grands équipementiers
mondiaux (Nike, Reebok ou Adidas), très exposés
médiatiquement mais petit à petit, à
force d’efforts, le modèle se répand dans
de plus petites structures. Suraiya tente à chaque
fois de convaincre ses interlocuteurs des avantages sociaux,
mais aussi économiques que la création d’une
crèche implique. « Il faut que les preneurs de
décisions y trouvent un avantage. Dans une relation
gagnant gagnant, l’entrepreneur rentabilise son investissement,
les femmes sont beaucoup plus motivées et attachées
à leurs entreprises et les enfants ne sont plus abandonnés
dans la rue ».
Aujourd’hui, Phulki est directement à l’origine
de la création d’une centaine de crèches
à travers le pays mais œuvre à répliquer
le modèle dans les 800 grands entreprises industrielles
du Bangladesh. La totalité des revenus provient de
son activité de conseil et plus aucune aide extérieure
n’est nécessaire.
C’est à nouveau par la volonté de s’attaquer
à un problème simple, mais grave et en appliquant
un modèle que personne n’avait osé imaginer
que cette sexagénaire pétillante et ambitieuse
est arrivée, de manière durable, à améliorer
les pratiques sociales de son pays. À vos idées
!!!
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