Suraiya
Haque - Dacca (Bangladesh) - 12 Novembre 2003
Les crèches au
Bangladesh, ça c'est un businesh !!!
Dans
la majorité des pays du sous-continent indien, les femmes sont responsables
non seulement de l’éducation des enfants mais également
des moyens de subsistance du foyer. Dans les zones urbaines, devant le peu
de ressources dont elles disposent, elles acceptent des emplois d’usines
à 12 à 14 heures par jour et sont contraintes de délaisser
leurs petits. Suraiya Haque, la fondatrice de Phulki, une PME basée
à Dacca, nous explique comment elle a réussi à monter
plus d’une centaine de crèches pour que « les femmes n’aient
plus à choisir entre leurs enfants et leur indépendance financière
».
Originaire de Chittagong, la deuxième ville du Bangladesh, Suraiya
a grandi dans un environnement privilégié. Cependant, par pression
sociale, elle se voit contrainte d’interrompre ses études à
16 ans et d'épouser un « ami de la famille ». Après
avoir mis au monde 2 enfants, se jugeant pourtant effacée jusqu’alors,
elle décide de reprendre ses études contre l’avis de son
mari et de sa belle-famille. « Je voulais étudier pour devenir
quelqu’un et non plus la fille, la femme ou la mère de tel ou
tel homme ». Elle est embauchée dans une usine textile comme
chef de production avant de devoir suivre son mari à Dacca. En 1990,
une femme de ménage toque à sa porte. Elle refuse de l’employer
car la femme a un enfant en bas âge, mais dès le lendemain, commence
à éprouver des remords. « Ce fut le moment où tout
a basculé ». Du
fond de son garage, elle crée son ONG et cherche rapidement à
monter des crèches à proximité des nombreuses usines
et ateliers à main d’œuvre féminine. Les premiers
centres de Phulki sont financés par des donneurs extérieurs
et gérés entièrement par le personnel de l’ONG.
Elle fait pression sur des membres du gouvernement et sur de nombreux capitaines
d’industries, mais arrive rapidement à la conclusion qu’une
structure associative n’est pas un projet durable. Il va lui falloir
trouver autre chose. Pragmatique, elle s’aide d’un ami directeur
d’usine et lance une vaste étude dont le but sera de prouver
la viabilité financière pour chaque entreprise de créer
sa propre crèche. En compilant les manques à gagner des taux
d’absentéismes élevés, la diminution de la productivité
et de la qualité du travail, elle arrive à ses fins et créée
un nouveau modèle.
Désormais, l’usine fournit le local et paye « les nourrices
» pendant que les mères apportent la nourriture quotidienne et
payent 50 Thakas (1 €) par mois pour les frais de gestion du centre.
Phulki se propose de gérer la crèche pendant les 12 premiers
mois, forme le personnel et se rémunère en tant que «
consultant ». Les plus faciles à convaincre furent dans un premier
temps les grands équipementiers mondiaux (Nike, Reebok ou Adidas),
très exposés médiatiquement mais petit à petit,
à force d’efforts, le modèle se répand dans de
plus petites structures. Suraiya tente à chaque fois de convaincre
ses interlocuteurs des avantages sociaux, mais aussi économiques que
la création d’une crèche implique. « Il faut que
les preneurs de décisions y trouvent un avantage. Dans une relation
gagnant gagnant, l’entrepreneur rentabilise son investissement, les
femmes sont beaucoup plus motivées et attachées à leurs
entreprises et les enfants ne sont plus abandonnés dans la rue ».
Aujourd’hui, Phulki est directement à l’origine de la création
d’une centaine de crèches à travers le pays mais œuvre
à répliquer le modèle dans les 800 grands entreprises
industrielles du Bangladesh. La totalité des revenus provient de son
activité de conseil et plus aucune aide extérieure n’est
nécessaire.
C’est à nouveau par la volonté de s’attaquer à
un problème simple, mais grave et en appliquant un modèle que
personne n’avait osé imaginer que cette sexagénaire pétillante
et ambitieuse est arrivée, de manière durable, à améliorer
les pratiques sociales de son pays. À vos idées !!!
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