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Femmes, je vous aide !
Celle que le quotidien Economic Times of India a désignée
comme « Femme d’Affaires de l’année
2003 » a, dans sa longue carrière de syndicaliste,
longtemps été le pire cauchemar des autorités
locales de son Etat, le Gujarat. Fondatrice il y a plus de
trente ans de SEWA (la Self-Employed Women Association), elle
a consacré sa vie à représenter les centaines
de milliers de femmes issues du secteur informel de l’économie
indienne. Malheureusement en déplacement au moment
de notre visite, nous n’avons pu rencontrer Mme Bhatt
mais Nita Patel, qui travaille auprès d’elle
a bien voulu nous raconter son histoire.
Au début des années 70, travaillant en mission
pour un syndicat traditionnel du textile, Elaben Bhatt découvre,
au cours de ses enquêtes, les conditions effroyables
de travail des femmes du secteur informel. Ces femmes, ne
déclarant aucune activité, participent pourtant
quotidiennement à la subsistance de leur foyer en vendant
dans la rue de nombreux objets artisanaux ou des produits
agricoles. Elles doivent subir, outre le dédain courant
pour cette population « marginale », les extorsions
incessantes de contraventions et de bakchich des policiers,
les taux excessifs des prêteurs et les attaques physiques
des vendeurs « légaux ». Bien résolue
à aider ces femmes, Elaben Bhatt décide alors
de créer un syndicat pour les réunir. Nous sommes
en 1972, la bataille s’engage.
Le premier objectif que se fixe SEWA est de tenter d’arracher
aux autorités des licences pour ses vendeuses. À
cette époque, seules 400 licences sont données
annuellement et uniquement aux hommes. De plus, aucune nouvelle
licence n’a été attribuée depuis
7 ans. Après des longues journées de palabres
auprès des autorités, les licences sont obtenues,
mais cette première victoire ne signifie pas pour autant
que les vendeuses aient un espace réservé pour
vendre…
En effet, un banal accident de voiture sert de prétexte
à la fermeture pure et simple à tout nouvel
arrivant du marché Manek Chowk, l’un des plus
grands et plus anciens d’Ahmedabad. Comme souvent dans
la région de Ghandi, c’est à la suite
d’une campagne de désobéissance civile
menée par Mme Bhatt que les femmes entrent de force
pour établir leurs échoppes devant des policiers
médusés par autant de détermination.
Désormais reconnue au niveau national, elle ne réduit
pas ses efforts et créée, au milieu des années
70, une des premières banques de micro-crédit.
Auparavant, une vendeuse devait emprunter 50 Rupees pour acheter
au marché ses produites en gros, vendre dans la journée,
payer de quoi nourrir sa famille et en rembourser à
l’usurier 55 le soir même (10% de taux par jour,
record battu !). La banque, dont le capital est majoritairement
tenu par les femmes de la coopérative, a permis d’offrir
des prêts de 500 voire 5 000 Rupees (environ 100 €)
à un taux annuel décent à ces femmes
« insolvables ». Pouvant ainsi investir, elles
peuvent devenir de véritables entrepreneurs et augmenter
considérablement leurs revenus de manière durable.
Le taux de recouvrement de ces prêts dépasse
tous les taux connus des banques traditionnelles, il est de
97 % ! Aujourd’hui 20 % des 700 000 adhérentes
du syndicat possèdent un compte à la banque
SEWA alors qu’elle ne comptait que 4 000 adhérents
à sa création.
L’adhésion au syndicat, qui ne coûte que
5 Rupees par an (10 cents d’€), a eu un énorme
impact sur le rôle social de ces femmes. Dorénavant,
certaines apportent les plus hauts revenus du foyer, les maisons
sont achetées au nom de leur mari et au leur, et les
réunions de formation à l’hygiène
ou à la gestion qu’organisent SEWA leur donnent
un rôle clé dans la bonne marche du foyer. D’ailleurs
leurs maris plutôt réticents à la création
du syndicat s’empressent aujourd’hui de leur rappeler
ne pas oublier ces cours exclusivement réservés
aux femmes…
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