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Pour changer le monde... comptez sur les enfants !
« Pour vous occidentaux qui avaient tout, il est normal
que vous commenciez à vous préoccuper des générations
futures mais pour les plus pauvres d’entre-nous, c’est
la génération présente qu’il faut
dès maintenant préserver ». Lorsque nous
évoquons les immenses défis de développement
auxquels l’Inde doit faire face quotidiennement, voici
le type de réponse que l’on reçoit. Chetna,
basée à AhmedAbad dans le Gujarat, parie depuis
presque 20 ans sur les enfants pour améliorer les pratiques
sanitaires. Reconnue et saluée mondialement pour ses
résultats très encourageants, nous avons rencontré
une des fondatrices de cette ONG pas comme les autres.
Meenashki Shukla, la quarantaine pétillante, a toujours
aimé évoluer au contact des enfants. Dès
son plus jeune âge, elle participe en tant que volontaire
à des animations pour les jeunes orphelins. Diplômée
de Chimie Organique, elle n’a jamais pris le temps d’exercer,
trop occupée par son engagement dans des initiatives
d’éducation des jeunes.
Fondée avec 2 amies nutritionnistes, l’objectif
initial de Chetna (qui signifie conscience en hindi) était
d’améliorer la communication entre professeurs
et autorités de l’Etat du Gujarat, dans le nord
de l’Inde. Mais très rapidement, Meenashki comprend
que les enseignements dispensés dans les écoles
rurales sont beaucoup trop théoriques. « On leur
apprenait les mathématiques alors que peu d’entre
eux comprenaient qu’il ne fallait pas inhaler les fumées
domestiques ». Sur le terrain, elle observe que la grande
majorité des problèmes de santé décimant
ces populations sont dues à des mauvaises pratiques
quotidiennes. Par exemple, les femmes et leurs filles, selon
une coutume très ancienne, sont toujours les dernières
à manger dans la famille. Ne disposant pas du minimum
calorique dont elles ont besoin, elles sont plus vulnérables
et meurent très jeunes.
Exposée à ces réalités poignantes
et persuadée qu’elle peut contribuer à
y remédier, elle commence à se documenter et
trouve une solution auprès d’une fondation basée
à Londres : la Child to Child Trust. Cette organisation
de soutien avait formulé, au début des années
1980, une thèse selon laquelle les enfants pouvaient
être de précieux acteurs de changements et que
les efforts pour sensibiliser les populations à de
basiques mesures sanitaires devaient passer par eux.
Ainsi, en 1985, elle décide de mettre cette thèse
en pratique. Le début est très chaotique et
l’accueil des enseignants plus que tiède. Aucunement
habitués à être conseillés, ceux-ci
refusent de changer leurs méthodes et de nombreuses
réunions et un intensif travail sur les manuels scolaires
n’y change rien. C ‘est sur le terrain qu’elle
va réussir à faire changer les choses. En effet,
elle crée un atelier, véritable concentré
de la méthode Child to Child sur les risques de paludisme,
responsable en Inde de dizaines de milliers de morts chaque
année.
En impliquant les écoliers autour de jeux, d’énigmes
et d’ateliers pratiques, elle réussit à
les sensibiliser et les amener à agir pour influencer
leurs conditions de vie. Dans ce cas précis, les enfants
ont eux-mêmes pris l’initiative de verser une
couche d’huile dans tous les puits du village, empêchant
ainsi les moustiques de déposer leurs larves. Une fois
revenus chez eux, ces enfants répandent les bonnes
pratiques auprès de leurs parents, grands-parents et
autres enfants non scolarisés. L’idée
est simple et n’est pas sans nous rappeler les interventions
du Docteur Quenotte dans nos écoles primaires !! Mais
elle n’avait pourtant jamais été appliquée
ici.
Depuis 15 ans, le retard a été rattrapé
et désormais, quasiment toutes les écoles de
l’Etat s’en inspirent pour sensibiliser les jeunes
non seulement à la santé mais aussi à
la discrimination sexuelle ou bientôt à l’environnement.
Une des plus grandes satisfaction de Meenashki est l’organisation,
dans quelques semaines, de 3 jours entiers de jeux éducatifs
autour de la santé qui toucheront plus d’un million
d’enfants.
Meenashki conclue que l’impact des innovations éducatives
est toujours difficiles à évaluer. Cependant,
elle nous fait observer avec malice que ces programmes ont
été évalués et repris avec succès
par l’UNICEF afin d’être déclinés
dans de nombreux pays tels que le Kenya ou le Liban, ce qui
est plutôt bon signe…
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