Meenashki
Shukla - AhmedAbad (Gujarat/Inde) - 19 Septembre 2003
Pour changer le monde...
comptez sur les enfants !
«
Pour vous occidentaux qui avaient tout, il est normal que vous commenciez
à vous préoccuper des générations futures mais
pour les plus pauvres d’entre-nous, c’est la génération
présente qu’il faut dès maintenant préserver ».
Lorsque nous évoquons les immenses défis de développement
auxquels l’Inde doit faire face quotidiennement, voici le type de réponse
que l’on reçoit. Chetna, basée à AhmedAbad dans
le Gujarat, parie depuis presque 20 ans sur les enfants pour améliorer
les pratiques sanitaires. Reconnue et saluée mondialement pour ses
résultats très encourageants, nous avons rencontré une
des fondatrices de cette ONG pas comme les autres.
Meenashki Shukla, la quarantaine pétillante, a toujours aimé
évoluer au contact des enfants. Dès son plus jeune âge,
elle participe en tant que volontaire à des animations pour les jeunes
orphelins. Diplômée de Chimie Organique, elle n’a jamais
pris le temps d’exercer, trop occupée par son engagement dans
des initiatives d’éducation des jeunes.
Fondée avec 2 amies nutritionnistes, l’objectif initial de Chetna
(qui signifie conscience en hindi) était d’améliorer la
communication entre professeurs et autorités de l’Etat du Gujarat,
dans le nord de l’Inde. Mais très rapidement, Meenashki comprend
que les enseignements dispensés dans les écoles rurales sont
beaucoup trop théoriques. « On leur apprenait les mathématiques
alors que peu d’entre eux comprenaient qu’il ne fallait pas inhaler
les fumées domestiques ». Sur le terrain, elle observe que la
grande majorité des problèmes de santé décimant
ces populations sont dues à des mauvaises pratiques quotidiennes. Par
exemple, les femmes et leurs filles, selon une coutume très ancienne,
sont toujours les dernières à manger dans la famille. Ne disposant
pas du minimum calorique dont elles ont besoin, elles sont plus vulnérables
et meurent très jeunes.
Exposée à ces réalités poignantes et persuadée
qu’elle peut contribuer à y remédier, elle commence à
se documenter et trouve une solution auprès d’une fondation basée
à Londres : la Child to Child Trust. Cette organisation de soutien
avait formulé, au début des années 1980, une thèse
selon laquelle les enfants pouvaient être de précieux acteurs
de changements et que les efforts pour sensibiliser les populations à
de basiques mesures sanitaires devaient passer par eux.
Ainsi, en 1985, elle décide de mettre cette thèse en pratique.
Le début est très chaotique et l’accueil des enseignants
plus que tiède. Aucunement habitués à être conseillés,
ceux-ci refusent de changer leurs méthodes et de nombreuses réunions
et un intensif travail sur les manuels scolaires n’y change rien. C
‘est sur le terrain qu’elle va réussir à faire changer
les choses. En effet, elle crée un atelier, véritable concentré
de la méthode Child to Child sur les risques de paludisme, responsable
en Inde de dizaines de milliers de morts chaque année.
En impliquant les écoliers autour de jeux, d’énigmes et
d’ateliers pratiques, elle réussit à les sensibiliser
et les amener à agir pour influencer leurs conditions de vie. Dans
ce cas précis, les enfants ont eux-mêmes pris l’initiative
de verser une couche d’huile dans tous les puits du village, empêchant
ainsi les moustiques de déposer leurs larves. Une fois revenus chez
eux, ces enfants répandent les bonnes pratiques auprès de leurs
parents, grands-parents et autres enfants non scolarisés. L’idée
est simple et n’est pas sans nous rappeler les interventions du Docteur
Quenotte dans nos écoles primaires !! Mais elle n’avait pourtant
jamais été appliquée ici.
Depuis 15 ans, le retard a été rattrapé et désormais,
quasiment toutes les écoles de l’Etat s’en inspirent pour
sensibiliser les jeunes non seulement à la santé mais aussi
à la discrimination sexuelle ou bientôt à l’environnement.
Une des plus grandes satisfaction de Meenashki est l’organisation, dans
quelques semaines, de 3 jours entiers de jeux éducatifs autour de la
santé qui toucheront plus d’un million d’enfants.
Meenashki conclue que l’impact des innovations éducatives est
toujours difficiles à évaluer. Cependant, elle nous fait observer
avec malice que ces programmes ont été évalués
et repris avec succès par l’UNICEF afin d’être déclinés
dans de nombreux pays tels que le Kenya ou le Liban, ce qui est plutôt
bon signe…
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