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La
Notation sociale et environnementale a trouvé sa dame
de Fer...
Geneviève Ferone veut changer le monde, comme beaucoup
d’autres me direz-vous ? Certes, mais elle est étonnante,
elle a décidé d’attaquer sa montagne par
la face la plus difficile, celle des marchés financiers.
Selon elle, ce sont les investisseurs qui détiennent
le vrai pouvoir de faire changer le comportement des entreprises,
alors aidons-les à changer le monde.
Utopiste ? Masochiste ? Sans doute un peu, en tout cas son
parcours ne laisse que peu de doutes sur sa détermination.
Française, elle étudie le droit et l’économie
à la Sorbonne et commence sa carrière dans les
grandes organisations internationales telles que le Haut Commissariat
aux Réfugiés. Très tôt elle décide
de s’imprégner de la culture américaine
de management et travaille au début de années
1990 pour une société de conseil de San Francisco.
Là bas, elle acquiert une expertise sur la gestion
des fonds de pension américains, sujet déjà
brûlant en France. Sans a priori idéologique,
elle sera la première en France à montrer que
ces fonds essayent, tant bien que mal, d’intégrer
des critères éthiques dans leur gestion. Lorsqu’elle
revient en France, elle se décide à fonder une
agence de notation sociale et environnementale pour aider
les fonds éthiques naissant dans leurs choix d’investissements.
Elle sera soutenue par la Caisse des Dépôts et
son patron hors norme, Daniel Lebègue. Nous sommes
en 1997 et l’agence ARESE est née.
Cette agence s’inspire des agences de notation financière
dans sa mission : Fournir à des fonds d’investissements
une note fondée sur les critères non financiers
(sociaux et environnementaux) de la gestion d’une société.
Ces notes s’inspirent des réponses à des
questionnaires adressés à l’entreprise,
sollicitées (sept cas sur dix) ou non. Plus de 200
critères sont passés en revue et les moyens
de vérification (audit interne et externe) sont analysés
pour mesurer l’engagement réel de l’entreprise
sur ces enjeux non financiers.
Et c’est par cette méthode que l’investissement
éthique européen va se distinguer de son inspirateur
américain. Alors qu’aux Etats-Unis, des critères
moraux d’exclusion s’appliquent : pas d'entreprises
dans le domaine de la pornographie, des cigarettes, de l’alcool
ou des armes, Arèse va donner en France des notes sur
tous les secteurs, arguant du fait que l’on peut vendre
des produits toxiques de manière plutôt responsable
et des produits pour bébés avec des pratiques
douteuses, le but recherché étant l’amélioration
des pratiques de tous les secteurs.
L’entreprise commence à croître, fonde
son premier indice ASPI Eurozone (composé des 120 entreprises
ayant les meilleures notes d’Arese) et participe à
l’évolution des mentalités des milieux
financiers.
En 2002, la Caisse des Dépôts décide
de transformer Arese en Vigeo et place Nicole Notat à
la tête de l’agence. C’est le divorce. Geneviève
Ferone ne désarme pas et trouve auprès de Marc
Ladreit de La Charrière, patron de Fimalac les moyens
de refonder une nouvelle entité, Coreratings. La stratégie
étant clairement d’adosser CoreRatings à
la notation financière notamment à Fitch, filiale
de Fimalac, troisième acteur du secteur.
Toujours déterminée malgré les épreuves,
les trahisons, et même les sarcasmes des ONG qui doutent
d’une méthode si coopérative avec les
grands groupes, Geneviève Ferone continue son combat
avec la conviction qu’on ne change jamais grand-chose
sans convaincre de l’intérêt de changer.
Selon elle, toutes les entreprises mettront un jour les
critères environnementaux et sociaux à hauteur
des critères financiers, elles y seront poussés
par la volonté de mieux gérer les risques, d’attirer
les meilleurs employés, d’améliorer leur
image ou plus cyniquement d’éviter les procès…
La valorisation des pratiques sociales et environnementales
des entreprises n’en est encore qu’à ses
balbutiements, mais Geneviève Ferone aura, selon nous,
fortement participé à son essor… et semble
prête à continuer sa lutte.
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