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L’Ecoparc
de Kalundborg, une vraie symbiose Industrielle
Une des principales zones industrielles du Danemark, composée
de 9 sites, dont les plus importantes raffineries et centrales
thermiques du pays, est depuis plus d’une décennie
montrée en exemple comme modèle de coopération
écologique et économique. Nous avons voulu en
savoir plus, et, pour cela, Jorgen Christensen, un des pionniers
du projet, a accepté de nous recevoir.
Jorgen Christensen a été, durant 14 ans, le
Directeur Général de l’usine Novo Nordisk
(une des société présente dans la zone)
et est à l’origine de plusieurs projets de coopération
avec les autres sites de production. Il est désormais
le principal porte-parole et promoteur du modèle de
« symbiose industrielle » de Kalundborg.
Celui-ci, nous explique-t-il, n’a pas été
clairement planifié… Il est le résultat
heureux de trois longues décennies d’efforts
qui ont vu, peu à peu, se développer les projets
d’échanges déchets et d’énergie
entre les sites de production. Le tout premier a été
celui de la raffinerie Statoil qui, devant les difficultés
d’approvisionnement en eau au début des années
70, pousse la municipalité de Kalundborg à construire
un pipeline qui relie la raffinerie au Lac de Kalundborg.
En échange de ce service, Statoil s’engage, après
usage, à approvisionner en eau chaude la centrale thermique
voisine et à retraiter son eau pour qu’elle ressorte
au moins aussi propre que lorsqu’elle est entrée.
Puis, au milieu des années 70, la centrale thermique
propose aux entreprises voisines de les fournir directement
avec la vapeur d’eau qu’elle produit. Celles-ci
acceptent et peuvent dès lors en disposer pour la consommation
de leurs usines ou sous forme d’énergie.
Les derniers projets à avoir vu le jour concernent
les déchets. Par exemple, les résidus de levures
de l’usine de production d’insuline de Novo Nordisk
(quelques centaines de milliers de tonnes) sont utilisés
comme fertilisants pour 20.000 hectares de cultures des fermes
de la région. Autre exemple, l’usine Gyproc achète
désormais quasiment la totalité du dioxyde de
souffre (une des matières premières dont elle
a le plus besoin) directement à la centrale thermique
voisine.
Ce sont désormais 23 projets (10 sur la gestion partagée
de l’eau, 7 sur l’energie et 6 sur les déchets)
qui permettent une réduction globale de l’impact
environnemental du site de Kalundborg. Par exemple, la consommation
d’eau des 9 sites a chuté de 25% en 10 ans et
c’est chaque année presque 3 millions de mètres
cubes qui sont ainsi économisés. 20 000 tonnes
d’huile par an sont aussi économisées
grâce à la circulation entre les partenaires
de la « symbiose » industrielle.
Les investissements cumulés des 9 entreprises présentes
sur le site de Kalundborg représentent selon la dernière
étude publié en 1998, 75 Millions d’€
pour économiser, depuis le départ, plus de 160
Millions d’€. D’un point de vue économique,
le retour sur investissement est donc considérable
et 4 à 5 ans sont nécessaires pour amortir l’investissement
de départ.
Ce modèle est-il transposable ? La première
raison d’une telle coopération selon Jorgen Christensen
est tout simplement d’ordre économique. Même
si les Danois sont beaucoup plus sensibles aux problématiques
environnementales (le Danemark est le premier pays au monde
à avoir nommé un ministre de l’environnement
en 1973), sans l’espérance d’économies
futures, aucun des projets n’aurait vu le jour. Et chacun
d’entre eux, depuis les années 80, est le résultat
de consultations permanentes des différentes parties
prenantes de la zone : entreprises, municipalité, ONG
et riverains.
Pour Jorgen Christensen, plus que l’absolue nécessité
de proximité géographique et de non-concurrence
des différents acteurs d’une «symbiose»
industrielle, c’est la communication entre les différentes
parties prenantes qui est le premier critère de réussite.
De nombreux projets identiques ont été lancés
(en Hollande, aux Etats-Unis, au Canada…) mais aucun
n’a atteint ce degré d’intégration
et donc d’aussi bons résultats sur l’environnement
souvent pour des problèmes de mauvais dialogue des
acteurs. Le fait que tous les directeurs des usines de Kalundborg
étaient membres du même cercle du Rotary Club
n’est pas si anecdotique.
Et toujours selon Jorgen Christensen, la culture de management
scandinave, ouvert au dialogue et coopératif, et la
relative petite taille du lieu (10 000 habitants à
Kalundborg) ont aussi contribué à cette excellente
entente.
« C’est en se connaissant mieux, que l’on
apprend des uns et des autres et que de tels projets peuvent
voir le jour ». Une fois de plus nous constatons que
la capacité à regarder ailleurs, à dialoguer
avec l’extérieur et à poser le problème
différemment est la réelle clé de toutes
les innovations réussies.
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