Jorgen
Christensen -Kalundborg (Danemark) - 27 Juin 2003
L’Ecoparc de Kalundborg,
une vraie symbiose Industrielle
Une des
principales zones industrielles du Danemark, composée de 9 sites, dont
les plus importantes raffineries et centrales thermiques du pays, est depuis
plus d’une décennie montrée en exemple comme modèle
de coopération écologique et économique. Nous avons voulu
en savoir plus, et, pour cela, Jorgen Christensen, un des pionniers du projet,
a accepté de nous recevoir.
Jorgen Christensen a été, durant 14 ans, le Directeur Général
de l’usine Novo Nordisk (une des société présente
dans la zone) et est à l’origine de plusieurs projets de coopération
avec les autres sites de production. Il est désormais le principal
porte-parole et promoteur du modèle de « symbiose industrielle
» de Kalundborg.
Celui-ci, nous explique-t-il, n’a pas été clairement planifié…
Il est le résultat heureux de trois longues décennies d’efforts
qui ont vu, peu à peu, se développer les projets d’échanges
déchets et d’énergie entre les sites de production. Le
tout premier a été celui de la raffinerie Statoil qui, devant
les difficultés d’approvisionnement en eau au début des
années 70, pousse la municipalité de Kalundborg à construire
un pipeline qui relie la raffinerie au Lac de Kalundborg. En échange
de ce service, Statoil s’engage, après usage, à approvisionner
en eau chaude la centrale thermique voisine et à retraiter son eau
pour qu’elle ressorte au moins aussi propre que lorsqu’elle est
entrée.
Puis, au milieu des années 70, la centrale thermique propose aux entreprises
voisines de les fournir directement avec la vapeur d’eau qu’elle
produit. Celles-ci acceptent et peuvent dès lors en disposer pour la
consommation de leurs usines ou sous forme d’énergie.
Les derniers projets à avoir vu le jour concernent les déchets.
Par exemple, les résidus de levures de l’usine de production
d’insuline de Novo Nordisk (quelques centaines de milliers de tonnes)
sont utilisés comme fertilisants pour 20.000 hectares de cultures des
fermes de la région. Autre exemple, l’usine Gyproc achète
désormais quasiment la totalité du dioxyde de souffre (une des
matières premières dont elle a le plus besoin) directement à
la centrale thermique voisine. Ce sont désormais 23 projets (10 sur
la gestion partagée de l’eau, 7 sur l’energie et 6 sur
les déchets) qui permettent une réduction globale de l’impact
environnemental du site de Kalundborg. Par exemple, la consommation d’eau
des 9 sites a chuté de 25% en 10 ans et c’est chaque année
presque 3 millions de mètres cubes qui sont ainsi économisés.
20 000 tonnes d’huile par an sont aussi économisées grâce
à la circulation entre les partenaires de la « symbiose »
industrielle.
Les investissements cumulés des 9 entreprises présentes sur
le site de Kalundborg représentent selon la dernière étude
publié en 1998, 75 Millions d’€ pour économiser,
depuis le départ, plus de 160 Millions d’€. D’un point
de vue économique, le retour sur investissement est donc considérable
et 4 à 5 ans sont nécessaires pour amortir l’investissement
de départ.
Ce modèle est-il transposable ? La première raison d’une
telle coopération selon Jorgen Christensen est tout simplement d’ordre
économique. Même si les Danois sont beaucoup plus sensibles aux
problématiques environnementales (le Danemark est le premier pays au
monde à avoir nommé un ministre de l’environnement en
1973), sans l’espérance d’économies futures, aucun
des projets n’aurait vu le jour. Et chacun d’entre eux, depuis
les années 80, est le résultat de consultations permanentes
des différentes parties prenantes de la zone : entreprises, municipalité,
ONG et riverains.
Pour Jorgen Christensen, plus que l’absolue nécessité
de proximité géographique et de non-concurrence des différents
acteurs d’une «symbiose» industrielle, c’est la communication
entre les différentes parties prenantes qui est le premier critère
de réussite. De nombreux projets identiques ont été lancés
(en Hollande, aux Etats-Unis, au Canada…) mais aucun n’a atteint
ce degré d’intégration et donc d’aussi bons résultats
sur l’environnement souvent pour des problèmes de mauvais dialogue
des acteurs. Le fait que tous les directeurs des usines de Kalundborg étaient
membres du même cercle du Rotary Club n’est pas si anecdotique.
Et toujours selon Jorgen Christensen, la culture de management scandinave,
ouvert au dialogue et coopératif, et la relative petite taille du lieu
(10 000 habitants à Kalundborg) ont aussi contribué à
cette excellente entente. « C’est en se connaissant mieux, que
l’on apprend des uns et des autres et que de tels projets peuvent voir
le jour ». Une fois de plus nous constatons que la capacité à
regarder ailleurs, à dialoguer avec l’extérieur et à
poser le problème différemment est la réelle clé
de toutes les innovations réussies.
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