Martha Izabel Ruiz Corzo - Mexico (Mexique) - 16 Mars 2004

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La Mère de la Sierra Gorda


La vie de Martha Isabel Ruiz Corzo, que tout le monde surnomme « Pati » est l’exemple d’un rêve que beaucoup caressent sans jamais oser l’accomplir, un changement radical de modèles et de valeurs, un retour violent et salvateur aux sources. Jusqu´à l’âge de trente ans, Pati est un élément exemplaire de la société bourgeoise et bien pensante de la ville de Querétaro. Mariée à un mari aimant, mère de deux enfants studieux, elle enseigne le chant, la musique et l’art à des enfants d’âge divers et est membre de l’Orchestre de Chambre de la ville en tant que premier violon. Sa vie mondaine est active et festive, mais un grain de sable vient enrayer la machine de cette jolie locomotive du bonheur…

Le deuxième fils de Pati souffre de graves problèmes respiratoires, et elle-même commence à ne plus supporter physiquement l’atmosphère de Querétaro. Les recommandations du médecin sont radicales, il faut empêcher Mario, qui a 7 ans, de nager, de manger, de courir, « de vivre » pense alors Pati. Le choix qu’elle s’apprête à faire, avec son mari, est aussi radical. Ils vont tout quitter pour aller vivre dans la verdure de la Sierra Gorda, pour se reconnecter avec la Nature, retrouver le goût d’une alimentation saine, d’un air pur, d’une vie simple et équilibrée en sortant d’un système qu’ils ne supportent plus. Dés lors, Pati et son mari ne se soucient plus de la santé de leurs enfants, et ils ne seront plus jamais malades. Pati devient leur professeur le matin et s’implique dans la vie communautaire l’après-midi. Une nouvelle vie commence.

La situation que découvre la famille de Pati est alarmante. Cette vaste forêt humide fertile est un territoire exceptionnel par sa diversité avec des altitudes variant de 300 à plus de 3,100 mètres et hébergeant des centaines d’espèces animales et végétales. Mais les menaces sont nombreuses, principalement expliquées par la situation difficile des populations locales, 100 000 personnes dont le niveau de pauvreté est un des plus inquiétants du pays. Repartis dans plus de 600 communautés, Pati constate alors que par inconscience ou par nécessité, les habitants détruisent petit à petit leur terre. La récolte de bois pour la cuisson des aliments et le chauffage est un exemple des pratiques qui expliquent que près de 6 000 hectares de forêt disparaissent chaque année, entraînant une érosion des sols vertigineuse et une chute des réserves en eaux, La gestion des déchets est aussi catastrophique et cause de graves problèmes de pollution.

Face à cet immense défi, Pati décide d’attaquer en même temps sur tous les fronts, il faut d’abord organiser un programme de restauration de la terre, puis se donner les moyens d’éduquer les habitants de la région et enfin leur permettre de renforcer leur vie communautaire de manière autonome. Mais pour cela, elle ne dispose d’aucuns moyens financiers, ce sont donc son énergie et sa détermination qui seront ses principales ressources. Pour replanter des arbres, elle en appelle aux volontaires et, depuis 12 ans, ce sont plus de 23 000 citoyens qui ont participé à un large programme qui a permis la plantation de plus de 3 millions d’arbres d’espèces différentes. Pour vaincre les feux de forêt qui ravagent régulièrement la Sierra Gorda, un programme similaire de brigades volontaires a été mis en place et aucun programme n’est lancé sans une implication forte des populations locales.

Afin de toucher le plus grand nombre, Pati a aussi créé un programme de radio hebdomadaire d’une heure qui traite des problèmes environnementaux de la Sierra Gorda et dénonce régulièrement les mauvaises pratiques. On dit que le gouverneur de l’Etat ne le raterait pour rien au monde. Depuis 5 ans, le mouvement écologique de la Sierra Gorda a gagné une forte notoriété notamment grâce à de nombreuses reconnaissances internationales et en 1997 la région est constituée en réserve et gagne des financements plus nombreux.

Aujourd’hui, l’ambition de Pati est de conduire la réserve vers l’autosuffisance économique grâce à des programmes d’éco-tourisme. Ou par le gain de crédits carbone liés à l’application du protocole de Kyoto.

« Je ne me fais en rien l’avocate d’un retour à l’âge de pierre, mais je souhaite juste que l’on recentre notre intelligence sur les moyens de vivre une vie en harmonie avec l’écosystème » nous confiera Pati. Même si nous doutons qu’un grand nombre de nos lecteurs décident de tout quitter pour suivre l’exemple de Pati à la suite de cet article, la rencontre d’un tel personnage ne peut laisser indifférent, autant par les questions qu’elles posent que par les réponses que sa vie incarne.


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Pour en savoir + :

Le site de la Reserva Biosfera de Santa Marta.