Iftekar Enayetullah
Maqsood Sinha
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Chercheurs d'Or Vert
Parmi les problèmes que créent les nouveaux
modes de consommation et l’explosion démographique,
le moins sexy est, de loin, celui des déchets. Ne vous
bouchez pas le nez tout de suite, car au Bangladesh, décidemment
beau réservoir d’entrepreneurs, 2 Géo
Trouvetou ont peut-être une idée…
Iftekar Enayetullah et Maqsood Sinha sont deux ingénieurs
Bangladais originaires de Dacca qui ont vu leur ville sombrer
sous des montagnes de déchets depuis 20 ans…
La raison en est simple, la population est passée de
2 à 11 Millions d’habitants en 25 ans et la densité
atteint parfois 15 000 habitants au km2, résultat d’un
exode rural massif. Par conséquent, 3 500 tonnes de
déchets sont générées chaque jour
et finissent dans le meilleur des cas à la décharge,
dans le pire, dans les fleuves ou au milieu des rues de la
ville.
Mais face à ce fléau, le Bangladesh a un avantage
que les pays industrialisés n’ont plus, 80 %
de ses déchets sont organiques. N’ayant pas encore
subi les ravages de l’emballage à tout va, 8
kilos des poubelles de Dacca sur 10 sont composés de
pelures de légumes, de reste de riz ou de peaux de
fruits. Et cette matière est utilisable, on peut en
fabriquer de l’engrais biologique !
C’est avec cette idée en tête qu’en
1995, nos deux ingénieurs ont fait la tournée
des administrations pour tenter de convaincre les autorités
du bien fondé d’une telle stratégie…
Échec, ils entendirent toutes les raisons et leurs
contraires pour ne pas mettre sur pied un tel projet jusqu’à
ce qu’un de leurs interlocuteurs leur lance comme une
boutade : « Si votre idée est tellement innovante,
faîtes le vous même ! »
Il ne leur en fallait pas plus. Ils créent Waste Concern
avec un statut d’ONG, grâce au soutien d’un
philanthrope qui veut voir si ça marche. L’idée
est plutôt simple, il faut récolter les déchets
en porte à porte, les trier afin de garder les 80%
organiques, les faire se décomposer dans un milieu
dont le niveau d’oxygène et la température
doivent être surveillés rigoureusement. Le niveau
d’humidité de l’air de Dacca étant
parfaitement adapté, après un mois et demi,
on obtient un compost biologique parfaitement utilisable par
un agriculteur pour enrichir sa terre.
Les débuts sont laborieux, une seule usine est implantée
à raison de quelques tonnes traitées par jour,
mais l’énergie du duo de fondateurs est loin
d’être épuisée. Pour financer leur
activité, ils n’ont nullement l’intention
de pratiquer la drague aux bailleurs de fonds ; ils veulent
prouver que leur activité est rentable.
Dans un premier temps, le revenu est assuré par les
abonnements des foyers « bénéficiaires
» de leurs services. D’après leur estimation,
seuls 42% des déchets sont ramassés par les
services municipaux débordés, ils n’ont
donc eu aucun mal à trouver des quartiers, riches ou
pauvres, prêts à s’acquitter de près
d’un euro par mois pour voir les rues nettoyées.
Mais la principale ressource fut plus difficile à obtenir.
Waste Concern n’avait nullement l’intention de
se lancer dans la commercialisation d’engrais à
travers tout le pays, ce métier nécessitant
un réseau de vendeurs et un fonds de départ
qu’ils étaient loin de réunir. Pour trouver
un débouché à leur compost, il fallait
donc convaincre une société spécialisée
dans la vente d’engrais classiques, chimiques à
souhait… Le patron de la principale société
bangladaise, âgé de 75 ans, n’avait pas
l’intention de se laisser convaincre par cette nouvelle
filière jusqu’à ce qu’il reçoive
un panier de fruits et légumes issus de l’agriculture
biologique. Suite à un « excellent » repas,
il fut convaincu de laisser une chance aux deux énergumènes
qui avaient décidemment tout essayé pour le
convaincre…
Le succès fut au-delà de leur espérance,
non seulement la société Alfa Agro leur achète
désormais l’intégralité de leur
compost, mais leur réclame d’augmenter massivement
leur production car les paysans se plaignent de la rareté
de ce nouveau produit. Rien d’étonnant selon
Iftekar Enayetullah, car leur compost, contrairement aux engrais
classiques issus du pétrole, permet de nourrir le sol
et de le revitaliser en matière organique. Les rendements
sont ainsi meilleurs et le prix de revient reste plus faible
que l’engrais chimique. Le paysan y trouve vite son
compte. La vente du compost permet aujourd’hui à
Waste Concern d’assurer 70 % de son chiffre d’affaires
(30% venant de la collecte) mais l’extraordinaire demande
du marché agricole leur donne une confiance à
toute épreuve.
Aujourd’hui, 5 usines à Dacca et plus de 14 dans
le pays traitent chacune entre 3 et 5 tonnes par jour et un
projet d’une nouvelle usine de plus de 200 tonnes verra
le jour en 2004. A l’avenir, ils souhaitent étendre
le modèle Waste Concern à l’étranger
et travaillent à l’implantation d’ une
usine biogaz. Celle-ci produira de l’électricité
à partir des gaz qui s’échappent de la
décharge de Dacca et luttera ainsi contre l’effet
de serre.
Waste Concern n’a plus rien d’une ONG mais se
définit comme une entreprise sociale employant aujourd’hui
plus de 100 personnes et dont l’objectif, selon Maqsood
Sinha est de « prouver par l’exemple que les déchets
sont aussi des ressources ! ».
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