Dr. Chandra Gurung - Katmandu (Népal) - 9 Novembre 2003

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L'écotourisme au service du Développement Durable.


Chandra Gurung, ex-directeur de la « King Mahendra Trust for Nature Conservation » (KMTNC) est à l’origine, dans les années 80, de la politique de conservation des parcs naturels et autres réserves d’animaux Népalaises. À partir de l’exemple de « l’Annapurna Conservation Area Project », il nous explique comment il a réussi à impliquer les populations locales pour faire de ces régions des modèles d’écotourisme responsable.

Le Népal, seul royaume hindou au monde, est aussi un des pays les pauvres d’Asie. Sur une population de 23 Millions d’habitants, 42% vivent en dessous du seuil de pauvreté (c’est-à-dire avec moins de 1 dollar/jour). Sur ce territoire exsangue dominé par les plus hautes montagnes du monde, la grande majorité de la population rurale vit sur la seule zone propice à l’agriculture : le Teraï, proche de la frontière indienne. La densité y est telle (12 habitants par hectare de zone cultivable quand les autres pays d’Asie du Sud-Est approchent à peine 5 à 6 hab./ha) que ce n'est pas par l'agriculture que le pays s'en sortira, il n'y a plus de place...

Dans ces conditions, de nombreux efforts ont été engagés depuis plus de 20 ans pour développer le tourisme. Paradis à la fois des montagnards en quête d’aventures extrêmes et des amoureux de la faune sauvage, il est rapidement devenu le premier secteur économique du pays, mais au prix d’une inquiétante pression sur les écosystèmes locaux.

La région des Annapurnas, principale destination touristique nationale s’étend sur 7 600 km2 (5% du territoire) avec une population de 120 000 habitants. Elle est aussi l’habitat fragile de 1 226 espèces de plantes, 101 de mammifères, 478 d’oiseaux et 39 de reptiles. En 1986, devant une déforestation massive et des quantités de déchets toujours croissantes, le roi décide d’en faire une zone de conservation dont il confie la gestion à une ONG basée à Katmandu : la KMTNC. À cette époque, le modèle de référence est Chitwan, le premier Parc National gardé par l’armée depuis 1973. Il est totalement fermé aux populations locales, considérées alors comme une menace pour la conservation de la faune et la flore sauvage. Celles-ci sont coupées de ressources naturelles comme le bois (pour cuisiner et se chauffer), privées de quelques-uns de leurs moyens de subsistance (cueillette et chasse) et peinent à subvenir à leurs besoins. Dans une ambiance de mécontentement général, les conflits avec l’armée se multiplient.

Prenant le contre-pied des pratiques de l’époque et contre l’avis de nombreux spécialistes mondiaux de la conservation, Chandra Gurung, le directeur de cette ONG refuse de faire de ces zones des parcs « sous cloches ». Après une étude de 8 mois à vivre au contact des populations dans des régions proches de son village de naissance, il acquiert la certitude que « la conservation des espaces naturels et le développement économique des populations sont compatibles et que la participation des communautés est même la principale clef du succès ». Il engage de nombreuses campagnes de sensibilisation auprès des populations en leur expliquant que la conservation est pour eux une ressource, forme des responsables de refuge et des cuisiniers pour préparer d’autres plats que le dal-bhat (le plat national népalais, délicieux mais pas pendant 15 jours midi et soir !!) et forme des comités dans chaque village, chargés des projets environnementaux.

15 années plus tard, les résultats sont surprenants : la majorité des 1 200 refuges fonctionnent à l’énergie solaire ou hydraulique, de nombreuses campagnes ont été menées pour limiter les déchets plastiques issus de bouteilles d’eaux laissé par les randonneurs et surtout, la déforestation a été arrêtée et l’on reboise dans certains villages. Les revenus des populations ont aussi augmenté, alors qu’un randonneur dépensait en 1986 3 € par jour et que seul 7% de ces revenus restait dans les communautés locales (le solde revenant aux organisateurs de trek pourvoyant guides, matériel, alimentation et porteurs directement de Katmandu), ce chiffre atteint désormais 20 €/jour avec plus de 60% pour les communautés.

Ces aménagements ont à chaque fois été choisis par les communautés locales suite à des formations dispensées par la KMTNC et ont été financés à moitié par elles et à moitié par un droit d’entrée pour chaque randonneur de 25 € que récolte l’ONG. En 2001, 75 000 touristes sont venus dans la région des Annapurnas et ce modèle, désormais reconnu comme un formidable succès par la communauté internationale, est en phase de duplication dans d’autres zones de conservation comme le Kangchenjunga et le Manaslu.

Désormais Directeur National du WWF, Chandra Gurung a dû quitter la KMTNC après 2 mandats de 4 années et s’illustre désormais grâce à deux nouveaux chevaux de bataille : la réimplantation dans certains parcs nationaux du Rhinocéros et l’ouverture prématurée aux touristes étrangers du mythique mais fragile Royaume du Mustang, une zone reculée proche du Tibet. Souhaitons-lui bonne chance !!


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Pour en savoir + :

Le site du King Mahendra Trust for Nature Conservation

Le site de WWF Népal