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L'écotourisme au service du Développement Durable.
Chandra Gurung, ex-directeur de la « King Mahendra Trust
for Nature Conservation » (KMTNC) est à l’origine,
dans les années 80, de la politique de conservation
des parcs naturels et autres réserves d’animaux
Népalaises. À partir de l’exemple de «
l’Annapurna Conservation Area Project », il nous
explique comment il a réussi à impliquer les
populations locales pour faire de ces régions des modèles
d’écotourisme responsable.
Le Népal, seul royaume hindou au monde, est aussi un
des pays les pauvres d’Asie. Sur une population de 23
Millions d’habitants, 42% vivent en dessous du seuil
de pauvreté (c’est-à-dire avec moins de
1 dollar/jour). Sur ce territoire exsangue dominé par
les plus hautes montagnes du monde, la grande majorité
de la population rurale vit sur la seule zone propice à
l’agriculture : le Teraï, proche de la frontière
indienne. La densité y est telle (12 habitants par
hectare de zone cultivable quand les autres pays d’Asie
du Sud-Est approchent à peine 5 à 6 hab./ha)
que ce n'est pas par l'agriculture que le pays s'en sortira,
il n'y a plus de place...
Dans ces conditions, de nombreux efforts ont été
engagés depuis plus de 20 ans pour développer
le tourisme. Paradis à la fois des montagnards en quête
d’aventures extrêmes et des amoureux de la faune
sauvage, il est rapidement devenu le premier secteur économique
du pays, mais au prix d’une inquiétante pression
sur les écosystèmes locaux.
La région des Annapurnas, principale destination touristique
nationale s’étend sur 7 600 km2 (5% du territoire)
avec une population de 120 000 habitants. Elle est aussi l’habitat
fragile de 1 226 espèces de plantes, 101 de mammifères,
478 d’oiseaux et 39 de reptiles. En 1986, devant une
déforestation massive et des quantités de déchets
toujours croissantes, le roi décide d’en faire
une zone de conservation dont il confie la gestion à
une ONG basée à Katmandu : la KMTNC. À
cette époque, le modèle de référence
est Chitwan, le premier Parc National gardé par l’armée
depuis 1973. Il est totalement fermé aux populations
locales, considérées alors comme une menace
pour la conservation de la faune et la flore sauvage. Celles-ci
sont coupées de ressources naturelles comme le bois
(pour cuisiner et se chauffer), privées de quelques-uns
de leurs moyens de subsistance (cueillette et chasse) et peinent
à subvenir à leurs besoins. Dans une ambiance
de mécontentement général, les conflits
avec l’armée se multiplient.
Prenant le contre-pied des pratiques de l’époque
et contre l’avis de nombreux spécialistes mondiaux
de la conservation, Chandra Gurung, le directeur de cette
ONG refuse de faire de ces zones des parcs « sous cloches
». Après une étude de 8 mois à
vivre au contact des populations dans des régions proches
de son village de naissance, il acquiert la certitude que
« la conservation des espaces naturels et le développement
économique des populations sont compatibles et que
la participation des communautés est même la
principale clef du succès ». Il engage de nombreuses
campagnes de sensibilisation auprès des populations
en leur expliquant que la conservation est pour eux une ressource,
forme des responsables de refuge et des cuisiniers pour préparer
d’autres plats que le dal-bhat (le plat national népalais,
délicieux mais pas pendant 15 jours midi et soir !!)
et forme des comités dans chaque village, chargés
des projets environnementaux.
15 années plus tard, les résultats sont surprenants
: la majorité des 1 200 refuges fonctionnent à
l’énergie solaire ou hydraulique, de nombreuses
campagnes ont été menées pour limiter
les déchets plastiques issus de bouteilles d’eaux
laissé par les randonneurs et surtout, la déforestation
a été arrêtée et l’on reboise
dans certains villages. Les revenus des populations ont aussi
augmenté, alors qu’un randonneur dépensait
en 1986 3 € par jour et que seul 7% de ces revenus restait
dans les communautés locales (le solde revenant aux
organisateurs de trek pourvoyant guides, matériel,
alimentation et porteurs directement de Katmandu), ce chiffre
atteint désormais 20 €/jour avec plus de 60% pour
les communautés.
Ces aménagements ont à chaque fois été
choisis par les communautés locales suite à
des formations dispensées par la KMTNC et ont été
financés à moitié par elles et à
moitié par un droit d’entrée pour chaque
randonneur de 25 € que récolte l’ONG. En
2001, 75 000 touristes sont venus dans la région des
Annapurnas et ce modèle, désormais reconnu comme
un formidable succès par la communauté internationale,
est en phase de duplication dans d’autres zones de conservation
comme le Kangchenjunga et le Manaslu.
Désormais Directeur National du WWF, Chandra Gurung
a dû quitter la KMTNC après 2 mandats de 4 années
et s’illustre désormais grâce à
deux nouveaux chevaux de bataille : la réimplantation
dans certains parcs nationaux du Rhinocéros et l’ouverture
prématurée aux touristes étrangers du
mythique mais fragile Royaume du Mustang, une zone reculée
proche du Tibet. Souhaitons-lui bonne chance !!
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