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Lutter
contre la pauvreté, une très petite entreprise
?
Même à 82 ans, Jacques Baratier reste un capitaine
d’industrie comme on les imagine. Le regard bleu acier
perçant, le verbe à poigne qui martèle
ses idées comme un forgeron, le charme arrondi qui
rassure quand il s’aperçoit qu’il a trop
tapé. C’est dans son bureau parisien que ce personnage
énergique nous a accueilli pour nous raconter son histoire.
Ancien Résistant, il est arrêté pendant
la guerre puis miraculeusement sauvé par le juge militaire.
Celui-ci avait, quelques années auparavant, effectué
un stage dans l’entreprise familiale. Désormais
convaincu qu’une bonne étoile veille sur lui,
il débute une carrière dans l’industrie
et développe les papeteries de Gascogne. En 30 ans
il transforme cette PME en un groupe international figurant
aujourd’hui parmi les 150 premières entreprises
françaises.
Vous imaginiez cet entrepreneur éternel couler désormais
des jours paisibles devant les émissions de Pascal
Sevran ? Lui non plus… Dès 1985, il crée
une association (AgriCongo) qui veut lutter contre la pauvreté
en favorisant l’émergence de très petites
entreprises.
Sauver de la pauvreté par le ressort même du
capitalisme : l’entrepreneuriat, voilà une idée
qui ressemble bien à notre homme, simple et pragmatique.
La méthode est pleine de bon sens. Un terrain est demandé
aux autorités locales, découpé en parcelles
distribuées à des chômeurs locaux à
qui l’on enseigne les rudiments de gestion, de marketing
et de biologie. Au bout d’un an, la terre est à
eux, ils sont devenus de vrais entrepreneurs, responsables
et autonomes (et plus de 50 % sont des femmes).
18 ans plus tard, Agrisud est présent au Congo, en
Angola, au Gabon, en Inde et au Cambodge et ses programmes
sont à l’origine de la création de 11
800 très petites entreprises et de plus de 54 000 emplois
durables.
Après 5 ans d’exploitation, 90% des entreprises
créées sont pérennes et il existe même
quelques « success stories », un des agriculteurs
du programme possède aujourd’hui 480 cochons,
deux restaurants et deux charcuteries.
Les exploitations sont réunies en groupement et une
partie des bénéfices est utilisée pour
financer les programmes d’éducation, d’irrigation,
d’étude de marché, etc. Ces groupements
sont gérés par des représentants élus
et tous les comptes vérifiés par Agrisud, afin
d’éviter les tentations de fraude.
Le financement de ces programmes est issu principalement
d’organismes internationaux de coopération et
a totalisé 7 M d’€ en 2002, bien trop peu
compte tenu de l’ambition sans limite de Jacques Baratier.
Sont déjà à l’étude de futures
interventions au Maroc, Bénin, Mali, en Côte
d’Ivoire, au Laos, au Vietnam et en Haïti.
Lorsque Jacques Baratier tente de convaincre un grand patron,
son discours aussi est original, ni misérabiliste,
ni culpabilisateur… Ses programmes sont, selon lui,
le meilleur moyen de faire de l’Afrique un marché
solvable, qui à terme constituera une réserve
de croissance dont les entreprises occidentales auront sans
doute besoin...
Jacques Baratier a tout sauf l’allure d’un héros
sacrifié, il affirme qu’Agrisud est une entreprise,
sans profit, c’est avec pragmatisme qu’il applique
ses méthodes industrielles à un objectif social.
Son approche repose sur le pari de la confiance et de la responsabilité.
Confiance en l’homme pour s’en sortir tout seul
quand on lui en donne les moyens. C’est en cela que
son initiative nous a semblée remarquable.
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