Peter Eigen - Berlin (Allemagne) - 8 Juillet 2003

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Transparency, Une initiative ambitieuse contre la corruption.

Il y a encore 10 ans, la corruption était un sujet tabou. Aucune conférence, publication ou action significative n’avait été engagée par les grandes institutions mondiales d’aide au développement pour y remédier. Tout le monde en connaissait l’ampleur et les ravages sur le développement, mais personne n’osait vraiment s’y attaquer. Il y a 10 ans, Peter Eigen, un des directeurs de la Banque Mondiale, a brisé le silence en créant Transparency International, la plus importante ONG de lutte contre la Corruption.

Engagé au début des années 70 dans le Département Juridique de la Banque Mondiale à Washington, cet Allemand volontaire et pragmatique grimpa petit à petit tous les échelons de « la » Banque en s’efforçant de « faire au mieux pour faire le bien ». Tour à tour conseiller du gouvernement du Botswana, responsable de programmes pour l’Equateur et l’Argentine et enfin Directeur pour l’Afrique de l’Est, il a été très souvent en contact avec la corruption et ses effets dévastateurs sur le développement.

Par exemple, lors de l’attribution d’un contrat d’infrastructure Télécoms par un gouvernement Africain (et financé avec l’aide de la Banque Mondiale), c’est étrangement une offre à 26 Millions de Dollars d’une société française qui a été choisie alors qu’un concurrent proposait une offre identique à 17 Millions ! Et sur des projets plus importants c’est facilement 50 Millions de Dollars de pots-de-vin sur 700 investis qui peuvent servir à influencer les preneurs de décisions.

Mais la mission de la Banque Mondiale imposait de fermer les yeux : soutenir financièrement les projets de développement sans intervenir dans les affaires politiques des pays souverains. Même si une partie des investissements d’entreprises étrangères finissait sur les comptes en Suisse d’hommes politiques corrompus, la majeure partie allait bien au développement des régions et des populations nécessiteuses. Ainsi s’accommodait la bonne conscience des agents de la Banque.

Sauf que, Peter Eigen, lui, était marié… Et sa femme s’est acharné à tenter de lui ouvrir les yeux pour le faire réagir. Médecin praticien dans les hôpitaux délabrés des pays où son mari était affecté, elle était chaque jour confrontée aux ravages de la Corruption, non pas sur telles ou telles infrastructures, mais sur des vies humaines. Chaque matin au petit déjeuner, pendant plus de 15 ans, elle s’efforça d’influencer son mari, allant jusqu’à manifester contre la politique de la Banque devant les locaux de Washington !

Et puis enfin, en 1991, invité à intervenir lors d’une conférence, Peter Eigen se propose de lutter contre ce fléau. Ovationné pour son intervention, il obtient le soutien d’autres personnalités importantes de l’aide au développement, il crée une cellule interne à la Banque Mondiale pour lutter contre la Corruption. De retour à Nairobi, il commence à travailler, sans savoir vraiment par quel bout commencer… Mais 2 semaines après son intervention, il reçoit un mot du Directeur de la Banque lui demandant de cesser de faire du zèle et le sommant d’interrompre ses travaux, non conforme aux statuts apolitiques de la Banque.

Déçu mais sur de lui, il démissionne en 1991 pour rentrer à Berlin. De retour dans des appartements spartiates bien différents des somptueuses résidences réservées aux expatriés de la Banque, il réactive seul ses réseaux depuis le fax de son bureau et commence à mobiliser.

2 années plus tard, soutenus par de nombreux amis comme le vice-président de l ‘Equateur ou le futur président du Nigeria, il crée officiellement Transparency International.

Aujourd’hui TI a 10 ans, et des antennes nationales dans plus de 120 pays. Elle publie chaque année de nombreux indices sur l’état de la Corruption au niveau mondial. L’indice de Perception de la Corruption est le plus connu et reflète pour chaque pays le niveau de corruption dans le secteur public tels qu’il est perçu par les hommes d’affaires, les analystes et les citoyens.

Une des grandes victoires de Peter Eigen et de ses équipes est la signature en 1997 d’une convention contre la corruption s’appliquant pour les pays de l’OCDE. Désormais, la corruption à l’exportation est sanctionnée avec la même sévérité pénale que la corruption interne dans chaque pays membres. Une entreprise Française, par exemple, n’est plus autorisée à payer des pots-de-vin pour gagner des marchés à l’étranger (avant 1997, les pots-de-vin étaient même déductibles des impôts !!).

Le plus grand chantier de TI pour les cinq prochaines années, selon Peter Eigen, sera de faire connaître cette convention et les sanctions pénales qu’elle implique car dans leur dernière étude, seuls 6% des hommes d’affaires interrogés en connaissaient l’existence…

La corruption est un des fléaux évident qui ronge le développement de nombreux pays. Tout le monde s’en doute, et jusqu’à il y a 10 ans, personne n’avait rien fait. Transparency International est la seule ONG exclusivement consacrée à ce problème. Et si l’ampleur de la tâche de Peter Eigen et de ses troupes semble immense. L’action déjà engagée méritait, selon nous, d’être mise en avant.



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Pour en savoir + :

Le site de Transparency International

Le rapport sur la Corruption