Karl Stützle - Dusseldorf (Allemagne) - 11 Juillet 2003

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Karl Stützle, le loueur de produits chimiques


Lorsque nous avons décidé de partir autour du Monde pour identifier et raconter les meilleurs pratiques de Développement Durable, nous ne pensions vraiment pas, dans un premier temps, qu’un chimiste pourrait nous intéresser. C’était faux. L’expérience de SafeChem, société allemande filiale du géant américain Dow Chemicals est réellement porteuse de sens.

Les solvants chlorés, voilà ce que vend Safechem. Sexy ? Non pas vraiment, d’autant que ce type de produits pollue pour des siècles lorsqu’ils se retrouvent perdus dans les eaux et les sols. C’est d’ailleurs suite à une vague de protestation et aux rumeurs d’interdiction de son utilisation à la fin des années 90 en Allemagne que Safechem s’est créé avec l’idée de vendre ce produit différemment.

Le solvant chloré est utilisé pour dégraisser les pièces métalliques. Ce procédé est utile pour le fonctionnement des airbags, pour la fabrication des couteaux suisses, pour l’entretien des avions… D’autres procédés existent, généralement moins efficaces et pas toujours moins polluants.

Karl Stützle est en 1990 un cadre de l’entreprise Dow à qui l’on confie le casse tête des solvants chlorés. Le marché est en déconfiture, et les parties prenantes (parti écologistes, ONGs) montrent du doigt ces produits dangereux. Mais M. Stützle ne se laisse pas abattre et propose une solution originale.

Son idée part du constat que s’il est bien manipulé, le nettoyage peut être effectué avec beaucoup moins de solvant. Il va donc créer une mini révolution chez Dow en suggérant que l’objectif n’est plus de vendre un maximum de solvant mais de vendre un maximum de service de dégraissage des pièces métalliques… Nuance !

Ce changement de perspective implique que le solvant n’est qu’un élément de la prestation et que celui-ci est vendu dans un circuit fermé. Le client final branchant dans son bac de néttoyage hermétique le container plein de solvant à l’entrée, un container vide à la sortie. Une fois ce dernier rempli, il le renvoie à Safechem (cf schéma).

Dans ce système parfaitement contrôlé et hermétique, pas une goûte de solvant ne s’est échappée et tout le solvant utilisé est récupéré pour être recyclé ou incinéré, ce qui permet de produire de l’énergie.

Grâce à cette logique de « service », qui remplace celle d’un « industrie-commerce » les quantités utilisées de solvants chlorés sont passées de 25 tonnes par an par client en 1988 à 2 tonnes en 2002 pour un chiffre d’affaires en augmentation. Puisque ce service a permis à Safechem de vendre des prestations de conseil, de contrôle aux clients finaux, ravis de voir leur procédé de dégraissage s’améliorer en leur exigeant moins de temps et d’énergie.

Ce changement ne s’est pas opéré sans difficulté. Il existe entre Safechem et le client final un acteur, le distributeur, qui craignait d’être court-circuité. En effet l'utilisation de containers propriété de Safechem impliquait un lien direct entre Safechem et L'entreprise utilisatrice finale. Le plus gros effort déployé par M. Stützle et ses équipes a donc été de convaincre les clients finaux mais surtout les distributeurs que cette nouvelle façon de faire était la seule façon de sauver toute la branche, et que l’intention de Safechem n’était pas de phagocyter le métier de distribution mais de trouver une alternative crédible à des pratiques désastreuses pour l’environnement.

Aujourd’hui, Safechem est présent en Autriche, en Suisse, en France et en Italie et compte 28 employés pour un chiffre d’affaires de 12 Millions d’euros en 2002.

Lorsqu’on demande à M Stützle d’où lui est venue l’idée de Safechem, il y voit une double influence. Celle d’un homme sensible aux problèmes écologiques, ayant passé son enfance à la campagne et membre actif du WWF. Mais aussi celle d’un businessman qui a vu qu’une autre façon de faire permettait de sauver une filiale et une activité pour le même niveau d’efficacité.

Aujourd’hui Safechem est cité en exemple par le Ministre de l’Environnement Allemand comme une voie intelligente de résolution du dilemme écologique.
Safechem est intéressant car il montre bien que la prise de conscience écologique n’implique pas nécessairement de perdre en qualité de vie ou en efficacité d’utilisation.

L'histoire de M Stützle est aussi l'exemple d'un homme tentant de mettre en cohérence ses convictions, qui le font cotiser pour sauver les tigres blancs indiens d'un côté, et son métier de chimiste de l'autre. Mission réussie !


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Pour en savoir + :

Le site de Safechem

Le système en boucle fermée