Eric
Julien - Paris (France) - 6 Mai 2003
Les Indiens Koguis nous
font cogiter...
Lorsqu’
Eric Julien nous a raconté son histoire, nous nous sommes dit que nous
étions chanceux de découvrir un tel homme, et que notre tour
du monde a un sens, s’il permet à d’autres de découvrir
le récit d’une vie aussi étourdissante.
A 25 ans, Eric Julien, après des études de Sciences Politiques
part en tant que coopérant à l’ambassade de France de
Bogota. Tout ce qu’il sait de la Colombie, c’est que la plus haute
montagne en bord de mer s’y trouve. Guide de haute montagne à
ses heures, il a la ferme intention d’aller en découdre avec
ce dénivelé magique qui mène des neiges éternelles
à la mer des Caraïbes.
Malgré son expérience, l’expédition a failli lui
coûter la vie. Au bout de quelques heures, à plus de 5.000 mètres,
il souffre d’un œdème pulmonaire (de l’eau dans les
poumons) et doit redescendre d’urgence à une altitude plus supportable.
Un de ses compagnons de cordée l’accompagne un temps, puis décide
de le laisser finir seul son retour à dos d’âne.
Ce chemin va changer sa vie. Il est recueilli par d’étranges
indiens « sauvages » : les Koguis. Vêtus de tuniques immaculées,
ceux-ci décident d’héberger cet inconnu et le soignent
avec leur méthode, en 20 jours, ils lui sauvent la vie. Eric leur demande
ce qu’il peut faire pour les remercier.
«- Aidez-nous à récupérer nos terres, lui demande
un des Koguis.
- Je vous le promets, répond-il ».
Puis, de retour en France, Eric oublie peu à peu cet engagement et
se consacre au conseil en stratégie auprès de grandes entreprises.
Jusqu’au jour où, à un moment charnière de sa vie,
il se remémore cette folle promesse faite 10 ans auparavant. C’est
décidé, après tant d’années à ne
rien faire et sans savoir comment s’y prendre, il va aider les Koguis
à récupérer leurs terres, symboles d’espoir et
de renaissance pour les jeunes générations.
Il découvre que le peuple Kogui possède une spiritualité
étonnante. Selon leur vision du monde, il n’y a pas de distinction
entre l’Homme et la Terre, celle-ci est un ensemble complexe dont il
faut chaque jour maintenir le précaire équilibre. L’homme
n’est qu’un « petit frêre » membre d’une
grande famille. Un indien kogui est par exemple incapable de parler de lui
à la première personne du singulier… Il affirmera toujours
sa pensée en utilisant « nous », et en situant son appartenance
à une terre, une région.
Pris au piège entre les narcotrafiquants, les FARCS, les troupes du
gouvernement officiel et les guérilleros, les koguis sont acculés
sur les hauteurs de la Sierra Nevada de Santa Marta, terres froides et impropres
à maintenir leur équilibre qu’il soit écologique,
alimentaire ou spirituel.
Lors de sa première visite en 1998, Eric Julien parle beaucoup avec
les Koguis afin de mieux appréhender leurs besoins et se faire accepter.
Il explique sa volonté de les aider et participe aux conseils des sages
qui, finalement, lui donne son accord pour racheter des terres. Cette entreprise
un peu folle, il ne peut la faire sans l’aide d’un Colombien,
il parviendra à gagner la confiance de Gentil Cruz, un métis
qui travaille à l’agence de protection des peuples indigènes.
En France, Eric crée l’association : « Tchendukua - Ici
et Ailleurs » qui par ses opérations « 1.000 personnes
pour une Terre » finance l’achat de ces nouvelles terres.
Depuis 5 ans, plus de 12 terrains d’une surface totale de 1200 hectares
(300 hectares de plus que la superficie du bois de Vincennes) ont été
acquis et 11 familles ont pu renouer avec leurs traditions.
Lorsqu’Eric parle désormais des indiens Koguis, il le fait avec
l’objectif de sensibiliser notre société à cette
autre civilisation qui, depuis 2000 ans, n’a pas bougé et permet
à la notre, qui est allée si vite, de se poser des questions.
Cette société Kogui nous semble immobile, mais avance tout simplement
autrement, plus lentement sans doute, dans une autre direction certainement.
Ce qui est le plus surprenant, c’est le niveau de développement
au sens occidental, qu’ils peuvent atteindre. Les Koguis centenaires
sont nombreux depuis des siècles ; leurs techniques de purification
des eaux et de gestion des déchets est extrêmement astucieuse.
Mais la chose la plus étonnante qu’a découvert Eric Julien
au cours de ses voyages est sans doute cette chapelle construite aux temps
des missions jésuites en plein milieu d’un village, qui, depuis
400 ans, est nettoyée, restaurée et maintenue en état
par les indiens. Ils ne s’y rendent jamais, mais, comme le lieu est
important pour nous, leurs « petits frêres », leur tradition
l’a maintenue en vie.
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