 
 
  Sebastian 
    Chuwa - Moshi (Tanzanie) - 31Juillet 2004
  Pour que l'Afrique redevienne 
    un Jardin d'Ébène
  
  
  
  C’est 
    sur les pentes du Kilimandjaro, toit (de moins en moins) enneigé de 
    l’Afrique, que nous avons rencontré Sebastian Chuwa, l’homme 
    dont la vie bat au rythme de « l’arbre de musique ». Ce 
    Tanzanien joyeux d’une cinquantaine d’années est à 
    l’origine d’un projet de conservation du Mpingo – l'ébène 
    Tanzanien – qui souffre d’une surexploitation et dont les effets 
    pourraient conduire rapidement à l’extinction de cette fierté 
    nationale.
    
    Sebastian Chuwa est né le nez dans les plantes, botaniste de formation, 
    son père herboriste et médecin traditionnel l’obligeait 
    dès son enfance à faire pousser dans son jardin toutes sortes 
    de plantes dont il avait besoin. Cet exercice pas toujours simple fut la meilleure 
    façon pour le petit Sebastian d’acquérir la main verte. 
    Originaire de la région où il vit encore avec sa famille à 
    plus de 4900 mètres d’altitude, il se forme au Kenya aux techniques 
    de conservation et étudie la botanique à Dar-Es-Salaam puis 
    à Londres. Il entame son engagement environnemental en travaillant 
    dans les somptueux parcs nationaux du Serengeti et du Ngorogoro, où 
    il étudie la biodiversité et les dégats que l’homme 
    lui cause. C’est suite à une étude sur les forêts 
    menacées de la côte et de sa région d’origine qu’il 
    décide d’agir plus concrètement. Désormais, il 
    va créer des pépinières d’arbres indigènes 
    dont l’ébène, arbre célèbre et menacé, 
    pour inciter les populations locales à préserver cette ressource. 
    L’espèce est en danger car les arbres jeunes ne résistent 
    pas aux feux de forêts fréquents en saison sèche, quant 
    aux arbres mûrs, ils fournissent aux sculpteurs locaux un bois précieux 
    pour objets d’art vendus aux touristes, et aux luthiers occidentaux 
    pour la fabrication de pianos ou de clarinettes. Le surnom « d’arbre 
    de musique » prend alors une dimension plutôt cynique…
    
    Dans un reportage qui lui est consacré en 1992, Sebastian se montre 
    réaliste mais ambitieux : « Les 200 pousses d’ébène 
    que je distribuerai cette année ne feront sans doute pas une grande 
    différence au vu du rythme de déforestation que connaît 
    la région, mais les 20 000 que je planterai l’année prochaine 
    permettront peut-être de faire survivre l’espèce. » 
    Pour bon nombre d’observateurs, Sebastian incarne alors un doux utopisme, 
    d’autant que l’ébène est une plante ingrate qui 
    ne met pas moins de 30 ans à atteindre l’âge adulte… 
    
    
    Mais l’utopisme revient à la mode. Lors de la rediffusion de 
    ce reportage en 1995 sur une chaîne du câble américain, 
    un ébéniste texan James Harris a le coup de foudre. Il écrit 
    une lettre avec sa femme pour proposer son soutien à Sebastian. La 
    lettre, qui se contente de la mention « Sebastian Chuwa Tanzanie », 
    arrive miraculeusement à son destinataire deux mois plus tard. James 
    et sa femme Bette se proposent d’aider Sebastian à créer 
    la fondation de sauvegarde de l’ébène Tanzanien et de 
    lancer une récolte de fonds.
    
    Le projet prend alors une autre ampleur. Grâce au fonds récoltés, 
    il parvient à lancer un nombre important de nouvelles plantations. 
    Les arbres de moins d’un an sont donnés aux populations locales 
    qui les plantent dans leurs champs et jardins (l’ébène 
    porte chance selon les croyances locales). L’ébène est 
    aussi un des rares arbres auprès duquel le maïs continue à 
    pousser, les racines de l’arbre enrichissant le sol et améliorant 
    sa fertilité.
    
    Pour fournir tous les habitants de la région, qui réclame toujours 
    davantage de pousses, Sebastian a créé de nombreuses pépinières. 
    En 2003, ce sont plus de 55 000 pousses, dont 20 000 d’ébène 
    qui ont été distribuées. Depuis 10 ans, Sebastian a créé 
    plus de 48 clubs « Nature » dans les écoles primaires de 
    la région et chacune possède sa pépinière d’où 
    sortent plus de 1500 pousses par an. Les élèves en transmettent 
    à leur famille, plantent dans le jardin de l’école et 
    lorsqu’il rejoigne le secondaire trouvent un jeune pour s’occuper 
    de leur arbre et transmettre cette « lourde » responsabilité.
    
    En juin 2004, Sebastian Chuwa a fêté la naissance du millionième 
    arbre de ses pépinières. Le ruisseau est devenu fleuve et Sebastian 
    est dorénavant reconnu et aidé par les autorités locales. 
    Mais la philosophie de Sebastian n’a pas changé, il ne critique 
    jamais l’exploitation par les populations locales de ce bois précieux. 
    Il sait qu’ un seul arbre, que le sculpteur va mettre trois mois à 
    travailler, peut nourrir une famille entière. Ce qu’il condamne, 
    c’est l’irresponsabilité de ne pas replanter, c'est à 
    dire réinvestir dans ce capital naturel. Depuis un an qu’il travaille 
    avec les coopératives de sculpteurs, il leur a fait replanter plus 
    de 2000 arbres qui compensent les 1500 qu’ils coupent chaque année. 
    Mais comme seulement 6 arbres sur 10 parviennent à maturité, 
    ce sont près de 7000 qu’il souhaite leur faire planter l’année 
    prochaine. 
    
    Rien ne l’arrête désormais ! Les 30 ans nécessaires 
    aux planteurs pour voir le fruit de leur effort peut nous paraître démesuré, 
    mais nos trois mois de voyage en Afrique nous ont démontré que 
    la patience Africaine n’avait pas de limites… Tant mieux pour 
    l’avenir du Mpingo !
  
  
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