William
Drayton - Arlington (Etats-Unis) - 18 Février 2004
Entreprendre pour changer
le monde...
Le nombre
d’associations citoyennes à but non-lucratif a, au cours des
deux dernières décennies, plus que triplé à travers
le monde. D’après Bill Drayton, le fondateur d’Ashoka «
les citoyens ont développé une conscience aiguë de la destruction
de l’environnement, de l’exclusion, des catastrophes sanitaires,
des violations des droits humains et des défaillances des systèmes
d’éducation ». L’organisation qu’il a fondée
il y a plus de 20 ans supporte le travail d’entrepreneurs sociaux, véritables
innovateurs dont le leitmotiv est de réaliser des changements sociaux
majeurs, structurels et durables et qui travaillent le plus souvent dans une
organisation qu'ils ont eux-même fondée, loin du confort des
grosses structures.
Bill Drayton est un romantique. Élevé à New York, il
grandit dans l’Amérique de Martin Luther King, en pleine lutte
pour la reconnaissance les droits civiques. À 17 ans déjà,
lui qui se qualifie comme un « modeste activiste » se fait arrêter
en face de son lycée pour avoir défilé et dénoncé
la ségrégation raciale. Fervent admirateur du mouvement de non-violence
indien, il organise à 20 ans un voyage en Van qui va le mener de Munich
à AhmedAbad en Inde pour se recueillir dans l’Ashram de son modèle
: Gandhi.
À son retour, il intègre les prestigieuses universités
d’Harvard puis d’Oxford avant de rentrer chez Mc Kinsey, un grand
cabinet de conseil Américain. Quelques années plus tard, lors
de la victoire des démocrates aux présidentielles de 1976, on
lui confie, avec d’autres, le soin de dessiner l’administration
Carter. Il prend ensuite des responsabilités au sein de l’Environmental
Protection Agency, agence chargée de minimiser l’impact des activités
du pays sur l’environnement. Sous l’administration Reagan, dont
l’environnement n’est pas franchement une des priorités,
l’Agence voit ses crédits drastiquement réduits et Bill
réintègre Mc Kinsey.
Mais cette fibre sociale ne le lâche pas. Il sait depuis longtemps qu’une
économie a besoin de l’énergie et du dynamisme de nombreux
entrepreneurs innovants, et qu’il existe déjà de nombreux
organismes chargés de les aider. Il prend conscience que rien n'est
fait dans le domaine social et va désormais se charger d’y remédier…
Depuis 1981, Ashoka soutient le travail de ces entrepreneurs sociaux avec
un appui financier initial de 3 ans leur permettant de se consacrer à
temps plein au développement de leur projet, et en mettant à
leur disposition de nombreuses ressources. Parmi elle des formations, des
bourses de recherches, du coaching, des conférences thématiques,
des parrainages du secteur privé, des liens privilégiés
avec les médias et dans de nombreux pays, l’accès à
des partenaires privés pour le conseil stratégique, la communication
ou le conseil juridique.
Mais le principal intérêt est d'intégrer le réseau
d’Ashoka qui compte désormais 1 300 membres dans 44 pays (principalement
en Asie, Amérique latine, Afrique et Europe de l’Est), agissant
dans des domaines aussi variés que les Droits de l’Homme, la
préservation de l’environnement, l’accès aux soins
médicaux, l’action sociale ou le développement économique.
Le processus de sélection d’Ashoka atteint un niveau de fiabilité
exceptionnel puisque 98% des entrepreneurs financés (seuls les entrepreneurs
sont aidés directement, et non les entreprises) travaillent toujours
à temps plein sur leur projet 5 ans après leur lancement. La
grande majorité de ceux-ci sont reconnus comme étant des leaders
sur leur problématique et trois sur quatre ont influencé ou
modifié la politique nationale dans leur domaine.
L’ultime but pour Bill Drayton est désormais de développer
des organismes de soutiens financiers chargés d’aider ces jeunes
pousses. Le processus serait le même que pour des projets classiques,
avec fonds d’investissements et banques délivrants des prêts,
mais chargées de ne financer que des projets sociaux et environnementaux.
Car, contrairement à une idée reçue, ces nombreuses entreprises,
bien gérées et disposant d’un marché suffisant,
sont rapidement et durablement profitables. Idéaliste et dotés
de rares qualités humaines, Bill conclut notre entrevue en nous faisant
observer que « pour changer le monde il n’y a rien de plus fort
qu’une idée innovante dans les mains d’un entrepreneur
social ». A vous de jouer, Ashoka sera derrière vous !!
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