William
McDonough - Charlottesville (Etats-Unis) - 16 Février
2004
Ca se passe comme ça
chez McDonough...
Imaginez
l’immeuble le plus high tech possible. Ensuite, imaginez les contraintes
architecturales suivantes : construire un édifice qui produit de l’oxygène,
séquestre du carbone, distille de l’eau, fonctionne intégralement
à l’énergie solaire, fournit un habitat pour plus de 1000
espèces différentes et dont l’apparence est agréable.
Cet immeuble, c'est un arbre. Bill McDonough est un architecte qui essaie
d’imaginer des édifices comme des arbres…
Bill est né à Tokyo et a vécu toute son enfance à
Hong Kong, où les pénuries d’eau n’autorisaient
que trois heures d’eau courante tous les quatre jours. Cette enfance
urbaine est heureusement soulagée par des séjours fréquents
chez des grands-parents qui habitent sur la côte Ouest des Etats-Unis,
en nature sauvage. Il n’est donc pas difficile de deviner quand a sonné
pour lui le « réveil écologique »… Bill s’engage
ainsi très tôt pour un monde plus « vert ». Sa voie
est vite trouvée, il sera architecte. En étudiant à Yale
mais en pratiquant ses talents aux quatre coins du globe, il construit des
maisons pour les nomades de Jordanie une saison et la première maison
à énergie solaire d’Irlande une autre.
Ce parcours atypique rend Bill McDonough singulier dans le milieu des «
experts » environnementaux, il est foncièrement optimiste. Conscient
des enjeux, il commence toujours par faire adhérer ses clients à
sa vision d’un monde meilleur : « Un monde fonctionnant aux énergies
renouvelables, pleins d’objets sains et sûrs, économiquement,
écologiquement, équitablement et élégamment déployés.
» Le drame actuel, selon lui est qu’on ne rêve plus du monde
que l’on veut laisser à nos enfants, or sans objectifs, on ne
va nulle part. Aussi Bill s’attelle-t-il à imaginer, à
inventer et à dessiner des objets, des maisons des immeubles ou des
usines, qui sont des étapes vers le rêve auquel il croit. Et
son succès auprès des grandes multinationales est étonnant.
Pour
Nike ou Gap, il imagine des immeubles de bureaux, écologiquement et
économiquement efficaces où l’on ressort en ayant l’impression
d’avoir passé la journée dehors. Le Collège Oberlin
dans l’Ohio, qu’il a imaginé, est un immeuble qui produit
plus d’énergie qu’il n’en consomme grâce à
un toit de panneaux solaires et de larges fenêtres. Pour Ford, il travaille
sur un projet de refondation de l’usine emblématique de la marque
pour y constuire un toit de 10 hectares de verdure servant d’habitat
aux oiseaux, trop longtemps absents du lieu. Le toit n’a rien d’un
anecdote « verte » de rapport de Développement Durable.
Il permet d’isoler l’usine, de filtrer les émissions, de
rediriger l’eau de pluie vers la rivière sans pollution et assurera
à Ford d’économiser des millions…
Bill s’est aussi associé avec Michael Braungart, un chimiste,
ancien activiste de Greenpeace avec lequel il a fondé une agence de
design extrêmement créative. Ses travaux sont à l’origine
de commercialisation de la première matière textile compostable,
c’est-à-dire biodégradable entièrement, mais aussi
des semelles de chaussures recyclables pour Nike ou des produits de cosmétiques
sains pour nous et pour l’environnement.
Son discours tourne autour de trois catégories de produits, les «
consommables » qui doivent en fin de vie être biodégradables,
les « produits de service» qui doivent être recyclés
intégralement et enfin les « invendables » qui doivent
disparaître… Qui souhaiterait laisser à l’ensemble
de ces descendants ne serait-ce qu’un kilo de déchets nucléaires,
de dioxine ou de métaux lourds et la responsabilité de les surveiller
éternellement ? En revanche, dans un monde où les voitures seraient
propulsées au solaire, entièrement recyclées en fin de
vie et où les pneus se dégradent sans risque, pourquoi s’empêcher
de rouler autant qu’on le souhaite ?
C’est donc une nouvelle révolution industrielle dans laquelle
Bill nous invite à entrer. Pour construire un monde où le concept
de déchet est à bannir de son vocabulaire, où l’imagination
et le « fun » reprennent le pouvoir pour faire les choses bien,
au lieu de se contenter (sous la contrainte) à les faire moins mal…
Ambitieux sans doute mais comme le disait Oscar Wilde, « Il est important
d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue
lorsqu'on les poursuit ».
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