Lester
Brown - Washington DC (Etats-Unis) - 15 Février
2004
"Vite, Passons au
plan B !"
L’homme
que nous avons rencontré dans son appartement de Washington est le
gourou du mouvement écologique mondial. Ce n’est pas nous qui
le disons mais le journal indien « Telegraph » de Calcutta. Et
en matière de gourou, je ne mettrai pas en doute le jugement d’un
indien. Et c’est vrai qu’une heure de discussion avec Lester Brown
ne peut laisser indifférent. Son allure de grand-père sage et
poli ne doit pas vous tromper, c’est avec une intarissable énergie
que Brown appelle le Monde à engager un effort digne de la seconde
guerre mondiale pour l’adoption d’un plan B (titre de son dernier
livre), pour un monde plus juste et plus respectueux de l’environnement.
Les premières amours de Lester Brown sont les tomates. L’exploitation
familiale à laquelle il s’attelle avec son frère entre
15 et 25 ans fait naître son intérêt pour les questions
agricoles. Un séjour de deux ans dans un village rural indien lui fait
prendre conscience des dangers pour l’agriculture de la surpopulation
et il sera le premier, dans les années 70, à s’inquiéter
des conséquences de la surexploitation de nos champs. Après
un Master à Harvard sur les questions liant agriculture et population,
il débute une carrière qui le conduira à travailler sur
ces questions au sein de nombreux organismes gouvernementaux et instituts
de recherche.
C’est lui le premier qui s’essaye à synthétiser
les grands enjeux environnementaux et sociaux globaux en créant le
Worlwatch Institute dont la qualité et la rigueur des rapports annuels
sur l’état de la planète font l’unanimité
auprès de la communauté scientifique et environnementale depuis
30 ans.
Aujourd’hui à la tête de l’Earth Policy Institute,
il continue d’influencer ses lecteurs pour changer le cap de la conduite
du monde, son livre : « Plan B, Sauver une Planète sous Stress
et une Civilisation en Danger » en est le dernier exemple.
Dans celui-ci, il dresse un portrait sans complaisance de ce qu’il nomme
le « plan A », c’est-à-dire la conduite du monde
telle qu’elle est opérée aujourd’hui. Il dénonce
la surexploitation du capital terrestre par nos activités. Notre comportement
serait selon lui anti-économique si l’on appliquait la même
gestion au capital financier. Au lieu de nous contenter de profiter des dividendes,
nous puisons sans s’en inquiéter dans le capital en coupant davantage
d’arbres qu’il n’en repousse, en surexploitant des terres
arables qui se désertifient, en pompant à l’excès
dans nos réserves d’eaux douces, qui ne se reforment pas, et
enfin en surexploitant les réserves de poissons qui n’ont plus
le temps de se reproduire.
C’est une vraie « bulle économique » que Lester Brown
décrit, qu’il compare à une bulle financière et
qui risque à tout moment d’exploser si nous ne réduisons
pas drastiquement notre consommation de ressources.
Le premier et plus inquiétant terrain qu’a étudié
Lester Brown est celui de la sécurité alimentaire, il nous décrit
l’évolution des récoltes chinoises de céréales.
Après un pic de récolte de 390 millions de Tonnes en 1998, les
récoltes sont retombés à 330 millions en 2003, et la
Chine a entamé ses propres réserves. Mais qu’adviendra-t-il
lorsqu’elle commencera à importer massivement fort de son excédent
commercial en US$ avec les Etats-Unis ?
Face à ces nombreuses inquiétudes, Lester Brown lance un appel
clair pour entamer des réformes urgentes pour éviter le krach.
Il faut stabiliser la population en promouvant de petites familles et en généralisant
l’éducation des filles. Il faut aussi drastiquement améliorer
la productivité d’utilisation en eau, en généralisant
les systèmes d’irrigation goutte-à-goutte. Il faut enfin
prendre conscience des coûts présents et à venir du changement
climatique et engager un vrai basculement fiscal, en arrêtant de subventionner
les énergies fossiles au profit des prometteuses énergies renouvelables
(notamment éoliennes), mais plus généralement de remplacer
une philosophie de taxe sur le travail et le revenu par un esprit de taxe
sur l’exploitation de ressources et la pollution.
Fort d’une vie d’observation des phénomènes démographiques,
naturels et écologiques, Lester Brown nous fait prendre conscience
que, plus que jamais, notre civilisation a le choix (et le devoir) d’engager
un changement de cap que les générations futures n’auront
plus.
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