Neil
Peterson - Seattle (Etats-Unis) - 4 Février 2004
Et si on faisait caisse
commune ?
Allumez
la télé aux Etats-Unis et vous tomberez certainement sur de
nombreux et interminables débats sur l’occupation de l’Irak,
sur la dépendance Américaine en pétrole et sur les effets
dévastateurs du réchauffement climatique. Notre sentiment est
que si les Etats-Unis, auparavant très en avance sur les grands enjeux
écologiques, changent leur politique pour réduire leur consommation
en combustibles fossiles et leurs émissions de gaz à effet de
serre, cela ne viendra pas de la Maison Blanche (en tout cas pas de cette
administration !) mais d’entrepreneurs visionnaires. À Seattle,
nous avons rencontré Neil Peterson, le fondateur de Flexcar, une société
de « car-sharing »* dont l’objectif est de changer durablement
la manière dont les Américains se déplacent.
Neil a passé toute sa carrière dans le secteur des transports
publics. Auparavant directeur de la mobilité dans des villes telles
que Seattle, Los Angeles et San Francisco, sa problématique a toujours
été de réduire les déplacements en voiture et
de convaincre la population urbaine d’adopter le bus, le tram ou le
métro. Toujours à l’affût de nouvelles idées,
il passait chaque année 2 semaines en Europe pour étudier les
innovations françaises, anglaises, ou allemandes en la matière.
C’est lui, par exemple, qui est à l’origine des premiers
bus hybrides (fonctionnant au gaz et à l’électricité)
ou des bus à soufflets (deux fois plus longs et qui s’articulent
au milieu) qu'il avait pu observer en Europe.
Lors d’un de ses déplacements en Suisse, il découvre le
principe de car-sharing, inventé sur le vieux continent à la
fin des années 80. L’idée est simple. Pour un abonnement
annuel de 25 US$, les membres réservent un des véhicules de
la flotte – stationné sur des places reservées de la ville
– par téléphone ou sur Internet, l’ouvrent avec
une carte électronique et à leur retour, les données
de leur périple sont transmises à Flexcar par satellite pour
la facturation. Le prix modique, entre 6 et 9 US$ de l’heure, comprend
l’utilisation du véhicule, le kilométrage, l’essence
et l’assurance.
Fasciné par le concept, Neil rentre aux Etats-Unis et tente de proposer
son projet à de grands groupes de location tels qu’Hertz ou Budget.
Sans réponse de leur part, il s’associe aux transports publics
de Seattle pour créer en 2000, la première société
de car-sharing d’Amérique du Nord. Grâce à un investissement
personnel modeste, il débute son activité avec deux voitures
disponibles dans le centre-ville. Il communique discrètement sur des
espaces loués gratuitement dans le métro ou par la municipalité,
obtient une couverture médiatique importante et le bouche-à-oreille
fait le reste.
Après des débuts difficiles, il a réussi à convaincre
les municipalités de 7 grandes métropoles Américaines
(Seattle, Los Angeles, Washington, Chicago, Portland…), compte plus
de 20 000 membres pour une flotte de 350 véhicules et se positionne
comme le leader incontesté sur ce marché. La moitié de
la flotte est constituée d’Honda Hybrides fonctionnant au gaz
et à l’électricité. En 2003, un grand engagement
a été pris pour devenir la première société
américaine totalement "neutre en carbone". L’objectif,
qui sera atteint courant 2004, est de compenser les émissions de gaz
à effet de serre émises par les véhicules Flexcar à
travers le pays en plantant, en collaboration avec des ONG, des arbres qui
fixent le carbone.
Non seulement, Neil permet de réduire le nombre de véhicules
en circulation, la consommation énergétique liée à
leur production et à leur utilisation, les embouteillages, les gaz
à effet de serre et la pollution, mais le client final s’y retrouve
grandement. Deuxième poste de dépenses des Américains
après le logement, à 600 US$ de moyenne mensuelle, les utilisateurs
de Flexcar n'atteignent pas le 100 US$. Plus de 60% d’entre eux ont
revendu leur précédent véhicule ou ont renoncé
à en acheter un nouveau.
Malgré une rapide croissance du chiffre d’affaires et l’espérance
d’équilibre financier d’ici fin 2004 (pour cause de stratégie
agressive et d’investissements importants dans de nouvelles villes),
le concept se heurte à la sacro sainte barrière psychologique
du sentiment de propriété. Avoir son bolide, même rarement
utilisé dans un garage, c'est être "quelqu'un". C’est
pour cela que la majorité des clients individuels de Flexcar sont des
jeunes urbains ou des personnes de plus de 50 ans dont les enfants ont quitté
le nid, c'est à dire modernes ou n'ayant plus rien à se prouver.
Neil nous confie que son objectif est d’être présent dans
les 30 plus grandes métropoles américaines d’ici 5 ans,
et sans être un activiste particulièrement virulent, de convaincre
que « tout le monde gagne à utiliser cette alternative ».
Nous le sommes depuis longtemps, et vous ?
*Car-Sharing : littéralement « autopartage».
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