Thomas
Dinwoodie - Berkeley (Etats-Unis) - 2 Février 2004
Du nouveau sous le soleil
Nous
savons tous que la présence de la vie sur la terre doit beaucoup à
la présence, près de notre jolie boule bleue, d’un voisin
bouillonnant, le soleil. Et les sources d’énergie fossiles (pétrole,
charbon, etc…) que nous exploitons aujourd’hui ne sont que du
« soleil concentré ». Les hydrocarbures n’étant
que des résidus de plantes qui ont poussé grâce à
la photosynthèse, utilisant du CO2 et du soleil… L’exploitation
directe de cette énergie est donc un rêve universellement partagé,
à tel point qu’on se demande ce qu’on attend pour le poursuivre…
Le Soleil nous envoie en chaleur en une journée l’équivalent
de 500 fois ce que nous consommons en un an sur toute la planète. Malheureusement,
nous la recevons sous la forme d’une pluie très fine de rayons
par forcément faciles à concentrer. Imaginez-vous contraint
d’inventer une technologie qui promette de récupérer l’énergie
produite par la chute de chaque goutte d’eau d’une pluie…
Un casse-tête évident qui explique que la technologie solaire
n’en soit encore qu’à ses balbutiements, malgré
un avenir qu’on sait prometteur.
Pourtant en 2004, à Berkeley, nous avons rencontré le fondateur
de Powerlight, une société qui démontre qu’une
exploitation commerciale rentable du solaire est dès aujourd’hui
possible. Tom Dinwoodie a transformé en moins de 10 ans un magasin
à unique employé en une start-up florissante et rentable, employant
100 personnes et exhibant fièrement un chiffre d’affaires de
plus de 50 Millions de US$…
Tom Dinwoodie est un ingénieur tombé amoureux d’une technologie,
« le solaire est la plus élégante des technologies, qui
une fois posée, emmagasine de l’énergie et produit de
l’électricité, simple et magique ! ». Après
une enfance dans le Nebraska, et des études scientifiques, il devient
chercheur au prestigieux MIT de Cambridge où il étudie les composants
photovoltaïques, cœur de la technologie du solaire électrique.
À l’époque, les coûts sont encore largement prohibitifs
donc ses premières tentatives d’entrepreneur ont lieu dans le
domaine de l’éolien. Mais un premier amour, ça ne s’oublie
pas comme ça. Un beau jour d’été, rongeant son
frein en plein embouteillage sous un soleil de plomb, il décide de
franchir le pas. L’énergie solaire a un avenir commercial. Il
entend bien le démontrer.
De 1991 à 1995, toute son énergie et ses économies sont
consacrées à la fabrication d’un prototype pour toit solaire.
Les temps sont durs, il nous confie qu’il n’existe aucune façon
de cuire une pomme de terre qu’il ne connaisse pas. Mais Tom Dinwoodie
a un atout décisif, il a complété sa formation d’ingénieur
par un diplôme d’architecture. Or son prototype de brique solaire,
consistant en un panneau posé sur une brique de polystyrène,
répond mieux que personne aux contraintes architecturales des toits.
Il n’abîme pas la surface du toit en étant léger
et se fixe sans perforer la structure. Mais l’investissement le plus
important d’un toit est celui des matériaux d’isolation
résistant à la chaleur du soleil. La brique de Powerlight transforme
cette contrainte en opportunité, le soleil ne fait plus fondre les
couches d’isolant mais produit de l’électricité…
Cette astuce assure le succès commercial de Powerlight sur cette niche.
Après un premier hôtel à Hawaï en 1995, de nombreux
clients adoptent la technologie comme US Postal, Johnson & Johnson ou
Toyota pour une de ses usines. Le retour sur investissement de ces clients
s’étale entre 1 à 10 ans, mais la durée de vie
de la technologie, ne comportant aucun mécanisme mobile susceptible
de s’user, est garantie pour 25 ans.
L’exploitation du solaire photovoltaïque n’étant encore
qu’à une échelle confidentielle aujourd’hui, les
coûts de production restent élevés. Et de nombreuses subventions
à l’investissement, et des commandes publiques ont contribué
au succès de Powerlight. Les coûts de production ont baissé
de moitié entre 1995 et 2003, mais la production à large échelle
qui permettrait de rendre cette technologie compétitive se fait attendre.
Tom Dinwoodie nous assure qu’un parc de 50 miles de rayon suffirait
à produire la totalité de l’électricité
aujourd’hui consommée aux Etats-Unis. Les surfaces inexploitées
de toitures étant considérables, la contrainte n’est donc
pas tant technique qu’économique.
Avec la raréfaction des énergies fossiles traditionnelles, les
contraintes esthétiques de l’éolien et les dangers d’une
prolifération du nucléaire, le choix énergétique
du siècle qui s’annonce se fera entre le charbon, dont les ressources
sont encore larges, et le solaire. La combustion du charbon à l’échelle
de notre activité rendrait l’air irrespirable et accentuerait
massivement le dérèglement climatique. La transformation de
nos économies développées et les choix politiques de
pays tels que l’Inde, mais surtout la Chine (qui a la puissance et l’échelle
suffisante pour rendre le solaire disponible à bas prix) seront déterminant.
Le débat s’annonce passionné et passionnant.
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