Deepak
Nirula - Gurgaon (Rajasthan/Inde) - 11 Septembre 2003
Le McDo écolo
à la sauce indienne
Lorsque
Ravi Agarwal, président d’une des ONG indiennes les plus actives
sur les problématiques de déchets, nous a conseillé d’aller
rencontrer le président de Nirula’s, la chaîne de restauration
rapide la plus connue de Delhi, nous avons d’abord cru à une
blague. Une ONG engagée qui recommande les pratiques d’un fast-food,
nous demandions à voir.
Bien que réputé plutôt timide, Deepak Nirula a accepté
de nous recevoir pour essayer d’en savoir plus sur les pratiques de
son entreprise.
Deepak est l’héritier d’une famille qui travaille dans
le secteur alimentaire depuis 65 ans, depuis sa tendre enfance, son destin
était tracé, il reprendrait la tête de Nirula’s
Ltd, de ses 66 restaurants, ses 3 hôtels et devrait assurer la pérennité
d’une entreprise qui regroupe près de 2000 employés dans
tout Delhi et ses environs.
Cette voie du destin rectiligne n’empêcha nullement Deepak d’imprimer
sa propre marque à l’entreprise créée par ses aïeux.
Son enfance dans un pensionnat au pied des collines himalayennes a fait de
lui un amoureux de la Nature, et il ne peut se résoudre à voir
son entreprise participer à l’accumulation de déchets
sans rien faire. Au début des années 80, alors que personne
à l’époque ne considère les déchets comme
un problème important en Inde, il décide de faire bouger son
entreprise.
Dorénavant, les déchets, principalement organiques, seront compostés,
c’est à dire mélangés à de la terre et laissés
à la voracité des vers, le meilleur moyen de recycler en améliorant
la fertilité de la terre. L’utilisation de supports et de sacs
plastiques est radicalement réduite malgré la protestation de
certains clients. Dans les hôtels, une politique de tri, de recyclage
et de réduction des consommations d’eau et d’énergie
est lancée.
Nombre de ces initiatives sont venues des employés eux-mêmes.
Dernière en date, un projet de coupelle pour les glaces et sorbets
qui serait entièrement comestible. Une bonne idée … encore
à l’étude.
Bien entendu, étant donné que Nirula’s possède
aussi ses propres usines de production et ses champs, nous demandons à
Deepak dans quelle mesure il pourrait passer à une agriculture organique.
Cette question, il se l’est posé depuis longtemps, il possède
lui-même une ferme d’agriculture biologique, une des rares du
sous-continent indien qu’il n’arrive pas à faire survivre
aux pollutions des engrais ou des insecticides des fermes avoisinantes…
Pour lui, l’avenir d’une agriculture plus censée en Inde
est radical, on ne pourra passer graduellement du tout engrais au tout organique.
Aujourd’hui, les sols, les eaux et l’air sont tellement pollués
que toute la chaîne alimentaire est touchée. Récemment
Coca et Pepsi se sont faits épinglés pour une utilisation d’eaux
dont la teneur en résidus polluants d’engrais était supérieure
aux normes acceptables. Mais pour Deepak, il est absurde de penser que seuls
les sodas sont touchés. À un échelon ou un autre, la
chaîne alimentaire a été infectée et manger du
poulet qui s’est nourri de graines issues d’un champs saturé
d’engrais est tout aussi dangereux. Les mesurettes pour améliorer
certaines pratiques ne résolvent nullement le problème selon
lui. Il compare celles-ci à l’interdiction de fumer dans les
restaurants alors que respirer l’air pollué de Delhi revient
à fumer 20 cigarettes par jour.
Qu’est ce qui fera changer les choses ?
Deepak pense que pour faire évoluer les pratiques, il faut qu’elles
démontrent qu’elles sont plus simples que les anciennes. Ce qui,
selon lui, n’est pas encore le cas aujourd’hui… mais ce
planteur d’arbre à ces heures perdues ne perd pas pour autant
espoir. Son action en est le meilleur exemple.
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