Ravi
Agarwal - New Delhi (Inde) - 30 Août 2003
Toxics Link, "l'avenir
des déchets en Inde, c'est leur disparition".
Aborder
notre exploration de l’Inde ne pouvait débuter mieux qu’en
rencontrant un personnage comme Ravi Agarwal. Cet activiste spécialisé
sur les questions de déchets, dont l’organisation, Toxics Link
anime un réseau d’information à travers tout le pays,
nous a fait apprécier ce que l’Inde peut représenter de
pire et de meilleur sur les questions environnementales. L’état
de pollution du pays est alarmant d’un côté, mais la capacité
de mobilisation et d’engagement de la société «
fille » de Gandhi reste étonnante dans ce qu’elle permet
d’accomplir.
Ravi appartient à la classe moyenne indienne, formé dans l’une
des meilleures école d’Ingénieurs d’Inde, il a durant
les années 80 mené une carrière très classique
d’ingénieur. La seule touche d’originalité étant
son tempérament d’entrepreneur qui l’a poussé à
créer sa propre start-up de conseil en informatique. Travaillant 15
heures par jour, cette société prospérait au début
des années 90 et comptait une soixantaine d’employés.
« Je ne veux pas finir ma vie en faisant cela ». Voilà
ce que s’est dit Ravi à cette époque, non pas qu’on
ne puisse être heureux avec une telle situation mais pour ce passionné
de photographie, amoureux inconditionnel des oiseaux, la passion était
ailleurs…
Le déclic se produit en 1992, lorsqu’un projet immobilier menaçant
une forêt séculaire de Delhi le fait bondir. Très rapidement
il se retrouve à la tête d’une campagne réclamant
à la Cour Suprême Indienne d’empêcher ce massacre
et activant un réseau de pas moins de 13 ONG. Dans cette campagne,
Ravi va s’épanouir pleinement, sa maîtrise parfaite de
l’Anglais et son passé d’ingénieur sont fort utiles
dans une campagne sous financée mais animée par des activistes
passionnés.
Ces deux années de combat intense, jalonnées de manifestations,
de procédures juridiques complexes et de campagnes de presse nationales
vont changer radicalement la vie de Ravi. Premier changement, son compte en
banque ne fait plus le bonheur de son banquier et, alors que la moitié
de ses amis comprennent et que sa famille soutient sans forcément comprendre,
il divorce.
Mais rien n’altère sa motivation et en 1995 le combat finit par
être remporté par un jugement de la Cour Suprême. Et comme
pour parfaire ce tournant radical, Ravi Agarwal voit ses photos exposées
pour la première fois dans une galerie à Delhi, deuxième
succès de l’année. La campagne l’a amené
à se rendre compte que le problème des déchets, en particulier
ceux toxiques des hôpitaux n’est abordé par personne…
Et il décide avec l’équipe de la campagne de commencer
des recherches sur le sujet.
Après deux années de travail bénévole intense
qui occupe tout son temps, un livre blanc est édité et publié.
Coup de chance du destin, en 1996, la Cour Suprême Indienne décide
classifier le problème des déchets toxiques d’hôpitaux
comme prioritaire et le livre blanc constitue la base des recommandations
qui vont modifier du tout au tout les pratiques des hôpitaux à
travers le pays. Diminution des déchets, stérilisation du matériel
médical utilisé, recyclage, tri précautionneux en impliquant
les personnels, toutes les recommandations de travaux de Ravi et de ses équipes
seront reprises dans la loi de 1998.
Depuis de nombreux autres combats ont été gagnés, comme
l’interdiction d’importer des déchets toxiques en Inde.
Mais de nombreuses batailles restent engagées, et malgré des
financements (entièrement publics ou issus de fondations) que Ravi
qualifie lui-même de largement suffisant, la partie n’est pas
toujours facile. Les problèmes d’amiante, le mirage du concept
de production d’énergie issue de l’incinération
des déchets qui ne résout rien et n’est pas rentable,
ou encore la contamination de la production alimentaire par l’excès
de pesticides dans les sols, la tache est immense pour le réseau Toxics
Link.
Aujourd’hui, Ravi Agarwal donne le sentiment d’être un homme
heureux. Et même s’il travaille 18h par jour et vit seul dans
un appartement spartiate, il conclut avec malice que nombre de ses camarades
de promotion, aujourd’hui tous présidents ou directeurs de grandes
entreprises, regardent en arrière avec un peu d'amertume et considère
son parcours personnel avec envie.
Copyright ©
2003-2004-2005
Association " Tour du Monde en 80 Hommes " tous droits réservés.